Paris vous aime magazine Juillet-Août-Septembre 2024

L’ESPRIT DES LIEUX THE SPIRIT OF THE PLACE

Grand nom de la photographie mondiale, ce cofondateur de l’agence Magnum a réalisé une trentaine de films de cinéma et exposé ses photos à travers toute la France. Reporter à l’agence Delmas à ses débuts, en 1960, il revient ici sur un cliché mythique pris de Pelé au Parc des Princes. “ CETTE PHOTO de Pelé, je l’ai prise à 17 ans, le 8 juin 1960, alors que j’étais photographe pigiste pour l’agence Delmas, rue de Richelieu, à Paris, dans les locaux du journal L’Aurore . Je déjeunais à l’époque aux comptoirs des Grands Boulevards de sau cisses-frites que vous payiez moins cher si vous les com mandiez avant midi. On était deux, trois petits pigistes, dont Daniel Angeli, qui s’est ensuite spécialisé dans le cinéma et les vedettes.

This great name in the world of photography, co-founder of the Magnum agency, has made some 30 films and exhi bited his photographs throughout France. Having made his start as a reporter for the Delmas agency in 1960, Depardon revisits a legendary photograph of Pelé in the Parc des Princes. “ I TOOK THIS PHOTOGRAPH of Pelé on June 8, 1960, when I was 17 years old and working as a freelance photographer for the Delmas agency on the Rue de Richelieu in Paris in the offices of the newspaper L’Aurore . In those days, I often ate sausages and chips at the cafés counters on the Grands Boulevards, which were cheaper if ordered before noon. We were two or three freelance photographers,

AU PARC, MA RENCONTRE AVEC PELÉ

including Daniel Angeli, who l made his name photographing celebrities. I lived on the Rue Saint-Louis-en-l’Île, next to the photography laboratory where I started my apprenticeship. An elderly man who was in charge of the provincial newspapers there always gave me work to do. He would print 60 copies of the photos and send them out. He sent me on these assignments, because the other photo graphers, with their adventurous faces that fascinated me, didn’t want to do the little things, like literary prizes, the agricultural fair, the domestic arts fair, or a match in the Tournoi de Paris, a pre-season competition held in the Parc des Princes.

Je logeais à côté du labo où j’ai com mencé comme apprenti, rue Saint Louis-en-l’Île. Un vieux monsieur s’y occupait des journaux de province, qui me donnait toujours du travail. Il tirait les photos à soixante exem plaires et les envoyait. C’est pour lui que je suis parti, car les autres photo graphes aux têtes de baroudeurs qui me fascinaient ne voulaient pas faire les petites choses : les prix littéraires, le Salon agricole, le Salon des arts ménagers, ou ce match du Tournoi de Paris, une compétition de présaison qui se déroulait au Parc des Princes. Je n’avais pas encore de carte de presse, j’avais très peu d’argent. Sur l’île Saint Louis, en face du labo, un bistrot était

I didn’t have a press card, I had to apply for one. I had very little money. On Île Saint-Louis, opposite the laboratory, there was a bistro that was always empty. The owner once said to me: “I’m desperate because my husband is a pastry chef and he’s bored here. He’s started making ice cream. Would you like to taste it to see if it’s good?” That was Berthillon, now famous in Paris and regarded as one of the best ice cream makers in the world! It was easier to get into the Parc des Princes then, there were fewer gatekeepers, fewer restrictions. I have incredible memories of that time, which has been a little romanticised. There were no image rights. People just gave themselves to you. In 1960, photographers were welcome, accepted, expected, and wanted. It was a celebration.

toujours vide. La patronne me disait : « Je suis désespé rée, car mon mari est pâtissier et il s’ennuie ici. Il s’est lancé dans les glaces. Voulez-vous les goûter pour voir si elles sont bonnes ? » C’était Berthillon, aujourd’hui réputé être l’un des meilleurs glaciers au monde ! Entrer au Parc des Princes était plus facile à l’époque : moins de communicants, moins d’interdits… Je garde un souvenir incroyable de cette période, peut-être un peu romancée. Il n’y avait pas de droit à l’image. Les gens se donnaient. En 1960, le photographe était le bienvenu, il était accepté, attendu, désiré. C’était une petite fête. Le match opposait les Brésiliens de Santos aux Rémois, Pelé contre Kopa. J’aimais le foot. À Villefranche-sur-Saône, j’avais joué arrière droit. C’est là que j’ai repéré pour la première fois le pigiste du Progrès de Lyon, qui était sur des matchs plus impor

My meeting with King Pelé

par | by raymond depardon

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