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What’s more, education is a parental prerogative. By assuming this prerogative, schools not only fail in their mission, but also violate parents’ legitimate rights. The duty of the family is to educate; the duty of the school is to teach and enlighten. We must therefore “make reason for the people” to ensure that differ ences in knowledge do not lead to subordination. Schools must there fore provide basic knowledge and a common base of skills. As Catherine Kintzler underscores in her book Condorcet: l’Instruction Publique et la Naissance du Citoyen (Common Education and the Birth of the Citizen), this knowledge, derived from the available scientific under standing, must adhere to two origi nal epistemological principles. The first being the principle of suffi ciency, the mastery of which guar antees intellectual autonomy. As Condorcet explained, “In primary school, each individual is taught what he needs to manage himself and enjoy his full rights” ( Report on Public Education , 1792). Second is the principle of openness, meaning that basic knowledge cre ates a foundation for other more sophisticated knowledge, giving the mind sufficient intellectual alert ness to be able to reach the heights of understanding. Elementary knowledge is therefore not just rudimentary knowledge, which only has practical utility, but also the primary knowledge of knowledge. In other words, knowl edge that is organized in a progres sive manner, which makes it possi ble, for example, to reconcile a legal requirement – the free exercise of one’s rights – and a societal require

ment – having an educational elite that is worthy of that title. Condorcet’s tour de force was to rec oncile the legal equality of human beings with their differentiated access to science. Elementary knowledge makes it possible to form a common reason while preserving a diversity of talents. Avoid competition Schools must therefore promote emulation, based on the desire to be appreciated and recognised for one’s qualities. Emulation that rejects the desire to be the best: “The habit of wanting to be first is a mockery or a misfortune for those who have it, and a true disaster for those who are con demned to live beside it.” Condorcet denounced the methods of teachers who cultivated rivalry and competi tion—debates, public exercises, the awarding of prizes, the creation of academies. For them, there was no study without ranking, no learning without reward. On this point, Condorcet echœs Rousseau in Book II of his Émile, ou de l’Éducation : “It is very strange that since we have been concerned with the education of children, we have devised no other instrument for guid ing them than emulation, jealousy, envy, vanity, greed, fear, all the most dangerous passions [...] and the most likely to corrupt the soul” , lamented the French philosopher. The emulation Condorcet praises, the fruit of a school that welcomes everyone to learn together, owes nothing to the arrogant pride that makes us seek superiority over oth ers. This pursuit has only one aim: to earn the respect and trust of our peers. The school is always thinking of the future, and “human life is not a struggle where rivals vie for prizes; it is a journey that brothers experi ence together, in which everyone is rewarded with mutual goodwill, by the joy that comes from the feeling of having deserved recognition or esteem” (Premier mémoire). Independent schools If the first condition of education is to teach only truths, then “the estab lishments which the public authori

une exigence juridique – le libre exercice de ses droits – et une exigence sociétale – avoir une élite digne de ce nom. Tel est le tour de force de Nicolas de Condorcet : concilier l’égalité juri dique entre les hommes et l’accès différencié à la science. Les savoirs élémentaires rendent possible la for mation d’une raison commune tout en préservant la diversité des talents. Une compétition à éviter L’école doit alors promouvoir une émulation dont le ressort est le désir d’être aimé et reconnu pour ses qualités. Émulation qui tourne le dos à l’envie permanente de vouloir toujours être le meilleur : « L’habitude de vouloir être le pre mier est un ridicule ou un malheur pour celui à qui on la fait contracter, et une véritable calamité pour ceux que le sort condamne à vivre auprès de lui » ( Premier mémoire ) . L’ancien pensionnaire des jésuites de Reims dénonce la pédagogie de ses maîtres qui n’ont cessé de cultiver la rivalité et la compétition. Chez ces derniers, pas d’étude sans classement, pas d’apprentissage sans récompense. Dispute, exer cice public, remise de prix, création d’académies, etc. Condorcet rejoint sur ce point ce que disait Rousseau dans Émile, ou De l’éducation (Livre II) : « Il est bien étrange, se désolait déjà le phi losophe genevois, que, depuis qu’on se mêle d’élever des enfants, on n’ait imaginé d’autre instrument pour les conduire que l’émulation, la jalou sie, l’envie, la vanité, l’avidité, la vile crainte, toutes les passions les plus dangereuses […] et les plus propres à corrompre l’âme. » L’émulation que vante Condorcet, fruit d’une école qui sait accueillir tout le monde pour que l’on puisse y apprendre ensemble, ne doit rien à cet orgueil arrogant qui nous pousse à vouloir être au-dessus des autres. Elle ne vise qu’une seule chose : gagner l’estime et la confiance de ses pairs. L’école pense toujours au lendemain et « la vie humaine n’est point une lutte où des rivaux se disputent des prix; c’est un voyage que des frères font en commun, et

où chacun employant ses forces, en est récompensé par les douceurs d’une bienveillance réciproque, par la jouissance attachée au sentiment d’avoir mérité la reconnaissance ou l’estime » ( Premier mémoire ) Indépendance de l’école Si la condition première de toute instruction est de n’enseigner que des vérités, alors « les établisse ments que la puissance publique y consacre, doivent être aussi indé pendants qu’il est possible de toute autorité politique » ( Rapport sur l’instruction publique ). Dans le rap port d’avril 1792, Condorcet propose de fonder une société nationale des sciences et des arts qui aurait pour mission de garantir la qualité scien tifique des programmes et de rédi ger les manuels scolaires. La nomination des enseignants devrait, elle aussi, être indépen dante de la puissance publique. D’où l’on voit que l’instruction publique n’est pas une instruction d’État. Car si l’école doit être indépendante de tout groupe social, elle doit aussi l’être de l’État. La seule autorité légitime que l’école est en droit d’admettre est l’autorité scientifique. Car en se soumettant aux instances savantes, l’école ne se soumet finalement qu’à elle-même, en tant que lieu des savoirs et de la science. Il faut mettre l’école à l’abri de toutes les formes de pression (familiale, cléricale, idéologique, etc.) pour qu’elle puisse déployer son projet qui n’est autre que l’amour de la vérité et des Lumières. Si l’école doit transmettre des savoirs émancipateurs, encore faut-il qu’elle puisse vraiment le faire, c’est-à-dire en toute liberté. Être un lieu d’instruction, préservé et indépendant car voué à l’émanci pation de tous les hommes, telle est la définition que pourrait donner Nicolas de Condorcet de l’école. ◆

Mettre l’école à l’abri de toutes les formes de pression pour qu’elle puisse déployer son projet, qui n’est autre que l’amour

Basic knowledge makes it possible to find common ground while preserving the diversity of talents Les savoirs élémentaires rendent possible la formation d’une raison commune tout en préservant la diversité des talents

de la vérité et des Lumières

To protect schools from all forms of pressure so they can fulfil their mission: the love of truth and Enlightenment

ties devote to it must be as independ ent as possible of any political authority” ( Report on Public Educa tion ). In his 1792 report, Condorcet proposed the creation of a national society of sciences and arts in charge of guaranteeing the scientific qual ity of curricula and textbooks. The appointment of teachers should also be independent of the authori ties to signify that public education is not a state education. Schools must therefore be independent of any social group and of the state. The only legitimate authority schools can accept is the authority of science. By submitting to learned authorities, schools can ultimately be a place of knowledge and of sci ence. Schools must be protected from all forms of pressure (family, clerical, ideological, etc.) so they can conduct the business that is theirs, namely cultivating the love of truth and Enlightenment. If schools are to impart emancipatory knowledge, they must be able to do so in total freedom. Nicolas de Condorcet’s definition of schooling: a place of teaching that is protected and independent because it is dedicated to the emancipation of all. ◆

AUTEUR Eirick Prairat est professeur de philosophie de l’éducation à l’Université de Lorraine et membre de l’Institut universitaire de France. Il a publié une quinzaine d’ouvrages, dont très récemment, Propos sur l’enseignement (PUF). AUTHORS Eirick Prairat is professor of the philosophy of education at the Université de Lorraine and a member of the Institut Universitaire de France. He is the author of 15 books, including his recent Propos sur l’Enseignement (PUF).

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