Paris vous aime magazine (oct-dec 2023)

D ans le 5 e arrondissement, entre Notre-Dame et la Sorbonne, au détour de la très discrète rue de Poissy, qui donne sur le boule- vard Saint-Germain, il est un prodigieux monument médiéval, datant du XIII e siècle. Cet édi ce gothique, c’est le Collège des Ber- nardins qui a conservé son ossa- ture d’origine, ses vieilles pierres blanches et sa toiture de tuiles rouges et plates, percée par des lucarnes pointues. Classé monument historique en 1887, ce lieu d’études cis- tercien a été totalement réhabilité en 2008. Mais beaucoup de Parisiens et de touristes l’ignorent encore, sa gigan- tesque nef, longue de 70 mètres et haute de 6 mètres, bai- gnée par la lumière du jour qui entre grâce à d’immenses ouvertures, et l’ancienne sacristie de ce site historique – dont la réouverture avait été saluée par une visite du pape Benoît XVI – sont accessibles gratuitement! La règle du silence n’est plus de mise et l’endroit résonne de mille sons : rires et conversations à la cafétéria, débats entre étudiants en jeans et religieux à peine reconnais- sables à leur col romain, ou simples bruits de pas des tou- ristes entrés par hasard. Il n’est pas rare aussi d’y croi- ser des rabbins, des moines bouddhistes, des artistes, des intellectuels… Car ce collège fait à la fois of ce d’univer- sité, de centre de théologie et d’abbaye. Comme l’explique avec conviction Laurent Landete, son directeur général, la raison d’être des Bernardins pourrait tenir tout entière dans une phrase célèbre prononcée par Jean-Paul II dans une encyclique : «La foi et la raison sont comme deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité.» Espace de liberté, le Collège des Bernardins conjugue assise théologique et ouverture sur le monde. Interdisciplinarité, dialogue entre experts et théologiens, rencontre entre chercheurs, praticiens et artistes forgent sa singularité dans un dialogue perma- nent entre passé et présent. Le Crous du Moyen Âge Pour mieux comprendre ce qu’est vraiment le Collège des Bernardins aujourd’hui, il est essentiel de remon- ter le cours de ses huit siècles d’histoire… C’est Étienne de Lexington, un moine d’origine anglaise et abbé de Clairvaux qui, sentant la nécessité de sortir les moines de leur isolement, crée, en 1245, le Collège des Bernardins, avec le soutien du pape Innocent IV. On est alors en plein Moyen Âge. Les moines, qui avaient 18 à 20 ans, venaient à Paris de toute l’Europe pour se former et confronter, déjà, vie spirituelle et raison. Ils sont nourris (dans la nef qui sert, entre autres, de réfectoire), logés (à l’étage, où un immense dortoir les accueille), blanchis et formés. Ils côtoient une quarantaine de professeurs et une petite centaine de convers (des religieux dont l’activité était sur- tout manuelle) qui les servent. Avec le sens de la formule, Laurent Landete af rme : «Le Collège des Bernardins, c’est un peu le Crous (Centre régional des œuvres universi- taires et scolaires, NDLR) du Moyen Âge!» Certains de ses élèves joueront un grand rôle dans l’histoire de l’Église

Le Collège des Bernardins est un édi ce gothique datant du XIII e siècle. The Collège des Bernardins is a Gothic building dating from the 13th century.

Sa gigantesque nef, longue de 70 m et haute de 6 m, abrite un espace de culture et d’échanges. The gigantic 230-ft (70-m) long and 20-ft (6-m) high nave is a space dedicated to culture and encounters.

Hosting students in the Middle Ages To fully understand what the Collège des Bernardins is all about, we need to look back at its eight centu- ries of history. In 1245, the Abbot of Clairvaux, Éti- enne de Lexington, who wanted to bring the monks out of their isolation, founded the Collège des Ber- nardins with the support of Pope Innocent IV. Eight- een to twenty-year-old monks from all over Europe came to Paris to be trained and to learn about spiritual life and reason. There were about 40 teach- ers and 100 lay brothers at their service. “The Col- lège des Bernardins provided a home and a frame- work for students in the Middle Ages” , says Landete. Some of these students – such as Jacques Fournier, who became Benedict XII, Pope of Avignon from 1334 to 1342 – played a major role in the history of the medieval Church. His distant successor, Benedict XVI, also visited the Collège des Bernardins when the restoration was completed in 2008, to underline the prestigious past of this Latin Quarter institution. A building propelled into the 21st century The building’s history called for a major restoration. Con scated during the Revolution, the medieval col- lege-monastery was turned into a grim prison and then, between 1848 and 1993, into remen’s barracks. The large, versatile navewas used to park re engines! It stood empty until the end of the 20 th century,

B uilt in the 13 th century, the magni - cent medieval Collège des Bernardins stands on the slopes of the Montagne Sainte-Geneviève in the 5 th arron- dissement, overlooking the Boulevard Saint-Germain, between Notre-Dame and the Sorbonne. This Gothic monument has pre- served its original framework of old white stones and at red-tiled roofs pierced by dormer windows. Listed as a historic monument in 1887, the Cistercian college was completely restored in 2008: its gigantic 230-ft (70-m) long and 20-ft (6-m) high nave and the old sac- risty of this historic site are accessible free of charge. The rule of silence no longer applies and the place is lled with a thousand sounds: laughter, conversations in the cafeteria, discussions between students in jeans and priests in clerical collars, and the footsteps of vis- itors who have entered by chance. What exactly is this place? An abbey? A theological centre? A university? An exhibition hall? “All these things at once” , answers general director Laurent Landete, who says that the raison d’être of the Bernardins can be summed up by what Pope John Paul II once famously said: “Faith and reason are like two wings on which the human spirit rises to the contemplation of truth” . The Collège des Bernardins is a space of freedom that combines theology and openness to the world. Its interdisci- plinarity meetings between scholars, theologians, practitioners and artists give it a unique identity between past and present.

médiévale, comme Jacques Fournier, plus connu sous le nom de Benoît XII, pape en Avignon de 1334 à 1342. C’est un lointain successeur, Benoît XVI, qui inaugurera en per- sonne la restauration du Collège en 2008. Un bâtiment propulsé au XXI e siècle Une restauration majeure rendue nécessaire par l’his- toire même du bâtiment. À la Révolution, le collège-mo- nastère du Moyen Âge est réquisitionné et transformé en lugubre prison. De 1848 à 1993, aux moines de la foi succèdent les soldats du feu, puisque le Collège devient une caserne. Décidément polyvalente, la grande nef ser-

vait même de parking aux véhicules des pom- piers! À la n du XX e siècle, le lieu est laissé à l’abandon. Mais un homme va décider de lui redonner vie : Monseigneur Lustiger. Juif converti au catholicisme, devenu cardinal, il rêve d’un lieu où le dialogue entre foi et rai- son pourrait à nouveau s’incarner, avec l’idée sous-jacente que le passé permet de penser le

Une prison, puis une caserne de pompiers

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First a prison, then a re station

présent pour construire le futur… L’architecte de renom Jean-Michel Wilmotte, concepteur entre autres de la Sta- tion F (Halle Freyssinet) ou récemment du Grand Palais éphémère, a pour mission de propulser «le bâtiment du XIII e siècle dans le XXI e ». Pour en préserver la structure qui s’enfonce inexorablement dans le sol, 322micropieux sont enfouis à 25 mètres de profondeur : ils supportent ainsi de façon invisible les murs extérieurs et les piliers. Le toit à la bourguignonne, couvert de 110000 tuiles de cinq nuances, est restauré. Outre la grande nef où

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