Paris vous aime magazine avril-mai-juin 2022

LA SEINE RYTHME LA VIE DES PARISIENS

C haque fois que l’on a fermé les voies sur berge à la circula- tion, les gens les ont envahies» , constate l’architecte Gérard Ronzatti, créateur de l’agence Seine Design et auteur de plu- sieurs projets sur le fleuve parisien. Si les habitants de la capitale ont désormais ré- investi la Seine, leur rapport au fleuve autour duquel la ville s’est structurée était tout autre auparavant. Les marchandises dont le charbon, la principale source d’énergie utilisée au début du XX e siècle, les matériaux de construction, mais aussi le vin étaient acheminés par voie fluviale et déchargés dans les différents ports de Paris. Parmi les plus importants, le port Saint-Nico- las, sur la rive droite du fleuve, en contrebas du musée du Louvre, où l’activité est continue. Sans oublier les ports de Bercy et de Javel, dont les quais seront rehaus- sés en 1846 pour pallier les crues et faciliter l’activité portuaire sujette à de forts courants qu’il faut maîtriser. L’écluse de la Monnaie sera construite à cet effet en 1851 en aval du pont Neuf. Pour passer d’une rive à l’autre et relier les îles comme celles de la Cité ou Saint-Louis au centre de la capitale, 38 ponts en pierre, dont le plus ancien reste le pont Neuf daté du XVI e siècle et le plus récent le pont Charles-de- Gaulle (1996), vont être bâtis au fil des siècles. Des traits d’union indispensables sur la Seine, qui a toujours été un espace urbain vivant et animé, et ses berges encom- brées de marchandises. En 1900, on dénombre entre 100 et 150 bateaux-bains, bateaux-lavoirs. Sur les quais, s’étirent les étals des marchands comme sur le marché aux Pommes, port de l’Hôtel de Ville dans le 4 e arron- dissement, qui sont approvisionnés par voie fluviale. Aujourd’hui, ne restent que les marchands de maté- riaux de construction. Avant l’émergence du chemin de fer au milieu du XIX e siècle, la circulation des marchandises n’est possible que par la Seine, qui sert aussi au transport de passagers, les trams et les bus ne suffisant pas, en ville, pour satis- faire les déplacements des Parisiens. C’est surtout à partir de l’Exposition Universelle de 1867, puis celle de 1900, que plusieurs lignes de bateaux vont être mis en place sur la Seine par la Compagnie générale des bateaux parisiens. Ils sont plusieurs millions de Parisiens à se déplacer sur l’eau avant que le métropolitain ne remplace complète- ment ce mode de transport urbain. Un ancêtre du Bato- bus, en somme, lancé en 1989, desservant neuf escales sur les bords de Seine. Aujourd’hui, près d’un million de passagers, essentiellement des touristes, l’utilisent chaque année pour visiter autrement Paris, comme ils le feraient lors d’une croisière en Bateau-Mouche. Des balades sur la Seine très prisées qui inspirent depuis peu les chefs étoi- lés comme Alain Ducasse, qui a ouvert une table gastro- nomique à bord du River Création, un bateau 100 % élec- trique amarré face à la tour Eiffel. Ou, plus récemment, le chef Frédéric Anton, qui officie sur le yacht Don Juan II . La Seine que les Parisiens côtoient aussi pour ses offres

E ach time riverbank lanes were closed to car traffic, people invaded them”, notes architect GérardRonzatti, founder of the SeineDesign agency which conducted several projects on the river. As Parisians have now reoccupied the Seine, their relationship with the river, around which the city is structured, has markedly changed. Goods including coal, the main source of energy used at the beginning of the 20 th century, building materi- als, and wine used to be transported by river and unloaded in Paris’ various ports, like Port Saint-Nico- las, on the right bank below the Louvre museum. The ports of Bercy and Javel’s docks were raised in 1846 to mitigate floods and facilitate port activity subject to strong river currents. The La Monnaie lock was built downstream of Pont Neuf for this purpose in 1851. In order to go from one bank to another and connect the islands of La Cité and Saint-Louis in central Paris, 38 stone bridges – the oldest of which is the Pont Neuf, dating from the 16 th century, and the most recent, the Pont Charles-de-Gaulle (1996) – were built over the centuries. These essential links on the Seine and banks brimmingwith goods have always been vibrant and lively urban spaces. In 1900, there were between

100 and 150 bath and laundry boats moored on the river. Merchant stalls stretched out along the banks, like the Marché aux Pommes port at Hôtel de Ville in the 4 th arrondissement. Materials for construction are now the last remaining goods to be traded on the banks. Prior to the emergence of the railway in the mid-19 th century, goods and passengers – as there weren’t enough trams and buses – were transported on the Seine. Following the Universal Exhibition of 1867, several boat lines were gradually opened on the Seine by the Compagnie Générale des Bateaux Paris- iens. Millions of Parisians travelled by water before the metro completely replaced this mode of urban transport. They were the ancestors of the Batobus, launched in 1989, serving nine stops on the banks of the Seine. Nearly a million passengers, mainly tour- ists, use it each year to visit Paris in a different way, as on a river cruise. The highly popular cruises on the Seine have recently inspired starred chefs like Alain Ducasse to open a gastronomic restaurant aboard the River Création, a fully electric boat moored opposite the Eiffel Tower, and chef Frédéric Anton to offer gastronomic cruises on the Don Juan II. Parisians also head to the Seine for artistic and cultural activities (theatres, concerts, etc.) pro- grammed aboard barges such as the Batofar or the Petit Bain and, more recently, the Rosa Bonheur guinguette where people meet for a drink, dance, and listen to live music. One often sees the Paris fire brigade and divers on the Seine, whose rescue centre is based on the Quai de la Monnaie. The 28 life- guards, including 15 ‘frogmen’ who are often seen training in Paris’ cold waters, rescue people who have fallen into the water, put out fires on boats, pro- tect the environment, and intervene during floods. Because of strong currents, it is forbidden to bathe, sail, or kayak on the Seine without an authorisation. Nautical clubs are all established at the gates of Paris, like Voiles Seine in Boulogne-Billancourt and Nautique Sèvres at the foot of Pont de Sèvres, where the river is less dangerous. One can however practice rowing, canoeing, and kayaking on the Bassin de la Villette in Paris’ 19 th arrondissement. Reappropriating the river The 2016 pedestrianisation of a portion of the bank roads between the Tuileries tunnel and Quai Henri IV in a section of the Georges-Pompidou thoroughfare dedicated to car traffic since 1967 has changed theway Parisians relate to the Seine. “It was like a liberation. We never went there before and when the mayor of Paris at the time, Bertrand Delanoë, opened the banks to Parisians, there was an immediate turnaround. No one had anticipated such a change”, says Gérard Ron- zatti. Art gallery owner Alain Margaron, who has always lived by the river on Quai de Tournelle, could never imagine Pariswithout the Seine. He’s thus all for residents reappropriating the banks: “It was GARDEL BERTRAND / HEMIS.FR

Péniches, guinguettes et terrasses investissent les berges, désormais classées au patrimoine mondial de l’Unesco. Barges, guinguettes, and terraces occupy the banks now listed as a World Heritage site by Unesco.

artistiques et culturelles (théâtres, concerts, etc.) pro- grammées à bord de péniches-spectacles telles que le Batofar ou le Petit Bain et, depuis peu, la guinguette Rosa Bonheur où l’on se retrouve pour prendre un verre, danser et écouter de la musique live . Régulière- ment, le fleuve est également investi par la brigade des pompiers-plongeurs de Paris, dont le centre de secours est basé quai de la Monnaie. Vingt-huit sauveteurs dont quinze hommes-grenouilles qu’il n’est pas rare de voir s’entraîner dans les eaux froides de Paris. Leur mission consiste à porter secours à des personnes tombées à l’eau, à éteindre le feu sur une embarcation, à protéger l’environnement et à intervenir au moment des crues. Car la Seine intra-muros est loin d’être un long fleuve tranquille et ce n’est pas pour rien qu’il est interdit de s’y baigner à cause du courant ou d’y faire de la voile

Paris est le premier port fluvial de France. Sur la Seine, les navires de transport de marchandises côtoient les bateaux touristiques. Paris is the top river port in France. On the Seine, barges transporting goods rub shoulders with tourist boats.

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