Paris vous aime magazine Octobre-Novembre-Décembre 2022
Cultural appeal The authors of Why Imaginary Worlds? The Psychological Foun- dations and Cultural Evolution of Fictions with Imaginary Worlds subscribe to Dan Sperber’s cultural attraction theory, which explains the evolution of culture by focusing on human biases. Culture is thus neither perfectly replicated nor transmitted randomly, but always reconstructed according to the con- straints set by our minds. That is why fiction tends to play on our sen- sitivities to certain stimuli in order to attract our attention. Romantic relationships, betrayals, the quest for social status and competition in the broad sense are all recurring themes in fiction as our cognition has evolved to become sensitive to them in the real world. According to this approach, an imaginary world is a superstimuli, in other words, specifically designed to exploit human psychology (here, our pen- chant for exploration), in order to capture the consumer’s attention. Using a database of 3.5 million peo- ple associating personality traits with cinematographic tastes, the authors showed a positive correla- tion between openness to new expe- riences and the enjoyment of films that explore imaginary worlds. The authors assessed the evidence in favour of such a dynamic. From an evolutionary viewpoint, the motivation for exploration is par- ticularly beneficial for species that change environments often, since that impulse leads to the discovery of new information that could be useful for survival and reproduc- tion. Researchers have shown, for example, that Beluga whales like to explore their environment even in the absence of reward. Certain animals will even forfeit something in order to continue exploring their environment. In a two-way game of chance conducted in a laboratory, rhesus monkeys were willing to sacrifice part of their reward to dis- cover what they might have gained had they chosen the other option. At the same time, neurologists have found that the dopamine sys- tem reacts in a specific way to new
prêts à sacrifier une partie de leur récompense afin de savoir ce qu’ils auraient gagné s’ils avaient choisi l’autre option. Parallèlement, des neurologues ont mis en avant que le système de dopamine réa- gissait de manière spécifique aux nouveaux stimuli, même si ceux-ci n’amenaient aucune récompense : la nouveauté est en soi une récom- pense pour notre cerveau. Il est commun en biologie évolu- tionnaire de considérer que les pré- férences pour l’exploration varient entre les espèces en fonction de l’environnement dans lequel elles ont évolué. Dubourg et Baumard théorisent que ces préférences varient au sein même de l’espèce humaine. Deux principaux facteurs de variation sont examinés : le stade de vie et les conditions écologiques de l’individu. Comme les orga- nismes allouent leurs ressources en fonction de la maximisation de leur « fitness » (la mesure du succès d’un organisme à survivre et à se repro- duire, c’est-à-dire de transmettre ses gènes), les bénéfices et coûts liés à l’exploration changent en fonction de l’âge et de l’environnement. Exploration ou exploitation Lorsque les psychologues et biolo- gistes parlent de « préférence pour l’exploration », ils font généralement référence à un choix entre l’« explo- ration » et l’« exploitation ». En ce sens, un organisme peut soit exploi- ter une source connue de ressources au risque de l’épuiser, ou bien explorer de nouvelles ressources, au risque de perdre du temps et de l’énergie. L’un des critères séparant l’espèce humaine des autres pri- mates est le temps très long que les enfants et adolescents passent avec leurs parents. Le psychologue évo- lutionnaire Robin Dunbar disait que lorsqu’on devient parent, les quatre premières années sont les pires. Dans une telle situation, pour les jeunes liés, les risques à l’exploration sont minimes et les enfants et ado- lescents acquièrent de nombreuses nouvelles compétences par ce biais. Cette théorie explique donc pourquoi les mondes imaginaires sont plus attrayants pour les enfants et les
adolescents : à ce stade de leur vie, ils sont plus sensibles aux stimuli provenant de l’exploration. Même si ces mondes imaginaires n’apportent pas d’informations utiles pour leur fitness, ce sont des superstimuli exploitant un mécanisme cognitif déjà présent. Pourquoi le premier monde imagi- naire n’apparaît-il qu’en 1914, alors que ce type de fiction ne demande pas de capacité cognitive particu- lière ? Dubourg et Baumard argu- mentent que l’émergence de ce genre est corrélée à une modifica- tion des préférences individuelles en faveur de l’exploration. En ce sens, les individus préféreraient dif- férents types de comportements en fonction de l’environnement dans lequel ils se trouvent : c’est le concept de plasticité phénotypique. Les don- nées empiriques suggèrent qu’un environnement riche, par exemple mesuré par le PIB par habitant, motive les individus à investir du temps et de l’énergie dans des acti- vités exploratoires : le Royaume-Uni a vu apparaître les premiers mondes imaginaires dès 1914, suivi par la France, les États-Unis et l’Allemagne, puis par le Japon dans les années 1950. En définitive, les préférences exploratoires des individus ont long- temps été trop faibles pour donner lieu à la production de mondes ima- ginaires dans les fictions. En ce moment même, les lecteurs de One Piece , un célèbre manga d’Eiichirō Oda, essayent de percer à jour les mystères de ce monde imaginaire. Une nouvelle théorie apportant des éclaircissements inédits se propage à travers le monde. Pourquoi des millions de personnes s’intéressent-elles à com- prendre un monde qui n’existe pas ? L’article d’Edgar Dubourg et Nicolas Baumard nous permet de répondre à cette question : explorer unmonde imaginaire est un superstimuli pour notre cerveau, parfois bien plus excitant que le monde réel.
AUTEURS Edgar Dubourg est doctorant en sciences cognitives à l'École normale supérieure (ENS-PSL). Nicolas Baumard est directeur de recherche au CNRS et professeur à l'École normale supérieure (ENS-PSL). AUTHORS Edgar Dubourg is a doctoral student in cognitive sciences at École Normale Supérieure (ENS-PSL). Nicolas Baumard is research director at CNRS and a professor at the École Normale Supérieure (ENS-PSL). POUR ALLER PLUS LOIN/OF FURTHER INTEREST E. Dubourg, V. Thouzeau, C. de Dampierre, N. Baumard, Exploratory preferences explain the cultural success of imaginary worlds in modern societies, PsyArXiv , 2021 O. Morin, How Traditions Live and Die, Oxford University Press, 2016
Fiction tends to use our sensitivity for certain stimuli to get our attention notre sensibilité à certains stimuli pour attirer notre attention Les fictions ont tendance à utiliser
that a wealthy environment, meas- ured in per capita GDP for example, motivates people to invest time and energy in exploration. The world’s first imaginary worlds appeared in the U.K. in 1914, followed by France, the United States and Germany, then Japan in the 1950s. Individual exploratory preferences had long been too weak for the production of imaginary worlds in fiction. At this very moment, readers of Eiichirō Oda’s famous manga One Piece are trying to unravel themys- teries of this imaginary world. A new theory providing new insights is making its global rounds. Why are millions of people interested in figuring out a world that dœsn’t exist? Dubourg and Baumard’s article answers the question thus: exploring an imaginary world is a superstimuli for our brain some- times much more exciting than the real world. Source E. Dubourg, N. Baumard, Why Imaginary Worlds? The psychological foundations and cultural evolution of fictions with imaginary worlds, Behavioral and Brain Sciences , 2021
psychologist Robin Dunbar, when a human becomes a parent the first four years are the most demand- ing. But youngsters face minimal risks and acquire many new skills within this protected environment. This theory explains why imagi- nary worlds are more attractive to children and adolescents, who are more sensitive to stimuli resulting from their explorations. Even when these imaginary worlds don’t pro- vide useful information for their evolution, the superstimuli exploit a cognitive mechanism that is already in place. Why if this type of fiction dœsn’t require any particular cognitive capacity did the first imaginary world appear only in 1914? Dubourg and Baumard argue that the emer- gence of this genre correlates with a change in individual preferences in favour of exploration. According to this line of thought, individuals prefer different types of behaviour depending on the environment in which they find themselves. This is the concept of phenotypic plas- ticity. Empirical evidence suggests
stimuli, even when these bring no reward. Novelty in itself is a reward for our brain. Evolutionarybiology commonly con- siders that the preferences for explo- ration of various species depend on the environment in which they’ve evolved. Dubourg and Baumard theorised that such preferences also differ for humans. Since organisms allocate their resources according to the maximization of their “fitness” (measuring an organism's survival and reproductive success, i.e., trans- mitting its genes), exploratory costs and benefits change with a person’s age and environment. Exploration or exploitation When psychologists and biologists speak of a “preference for explora- tion”, they're generally referring to the choice between “exploration” and “exploitation”. In this sense, an organism can either exploit known resources, at the risk of exhausting them, or explore new resources, at the risk of wasting time and energy. One of the criteria separat- ing humans from other primates is the length of time children and adolescents spend with their par- ents. According to evolutionary
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Source E. Dubourg, N. Baumard, Why Imaginary Worlds?
The psychological foundations and cultural evolution of fictions with imaginary worlds , Behavioral and Brain Sciences , 2021
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