Paris vous aime magazine Janvier-Février-Mars 2024
Pour réaliser son ouvrage, la licière Armelle Reymond utilise des broches en bois chargées de fils de laine préparés par l’atelier de teinture. Licière Armelle Reymond uses wooden spindles with wool yarns, prepared in the dyeing workshop.
ors du monde, hors du temps: protégé des regards par les hauts murs de l’enclos des Gobelins se dévoile un incroyable univers de couleurs et de douceur préservé depuis près de quatre siècles. C’est ici, autour d’élégantes cours pavées au cœur du 13 e arrondisse
O ut of this world and ever-evolving: the Gobelins tapestry manufacture has been preserving a phenomenal array of colours and textures for nearly four centuries. Established in 1662 by Jean-Baptiste Colbert, finance minister to Louis XIV, it has produced scores of prestigious tapestries for prestigious buidlings, including the Élysée and Matignon palaces, as well as institutions around the world. Today, 30 artisans preserve the Gobelins’ rarefied expertise, graced with their signature monogram to authenticate each mas terpiece woven here. A year's work to weave a single square meter Passing through the gates of the Gobelins, visitors walk along the back of the gallery to reach a cen tral ochre-coloured building that houses the factory. The building’s two workshops each contain 15 ver tical looms where skilled technicians create tapes tries in stunning hues. Each weaver produces about one square meter (about 11 square feet) of fabric in a year and can work up to four years on a single tap estry. It all starts in the dyer's workshop at the end of a cobbled courtyard, just past a statue of Colbert. The workshop opens onto a large room graced by a statue of Michel-Eugène Chevreul, a former director of the Gobelins who in 1861 invented the 72-colour chromatic circle used by every painter of that era, and gave the manufacture an unparalleled mastery of col our. Although chemical dyes have replaced natural pigments in the 1950s, the expertise in this field has greatly improved. Dyer Solène Corlet receives samples
galerie par l’arrière pour rejoindre le bâtiment à la façade ocre où bat le cœur de la manufacture. Deux ateliers y abritent 15 métiers à tisser où sont façonnées les presti gieuses tapisseries. Les techniciennes d’art y tissent, jour après jour, des œuvres monumentales aux stupéfiantes nuances de couleurs. C’est un travail de longue haleine; au quotidien, c’est à peine la surface d’une main qui est tissée par les licières et liciers, soit 1 m 2 par an. Tout débute à l’atelier de teinture, juste après la statue de Colbert. Le bâtiment s’ouvre sur une sculpture repré sentant Michel-Eugène Chevreul, ancien directeur des Gobelins, et inventeur en 1861 d’un cercle chromatique de 72 couleurs qui présente les principales nuances visibles par l’œil humain. C’est à lui que la manufac ture doit sa maîtrise inégalée des couleurs. Si les teintes chimiques ont remplacé les pigments naturels depuis les années 1950, le savoir-faire n’a fait que s’affiner. Au lancement de chaque nouvelle production, Solène Corlet, teinturière, reçoit des échantillons de laine, sous forme
H
at the start of each new production which she then rep licates for the yarns. She explains that the colour blue, with an infinite variety of shades and nuances, is the most challenging colour to obtain. When measuring the three primary colours blue, yellow, and red, the dyers immerse an unbleached wool skein into a water bath set between 50°C/120 °F and 100°C/210 °F for three hours. The yarn is then degreased and treated with moth repellent. The necessary corrections are made to achieve the perfect hue distinguishable only by a highly trained eye. The formula for each new shade, named after the artist who will be honoured with the reproduction of their work in tapestry, is documented, digitised and catalogued in the Gobelins colour chart.
ment de Paris, que Jean-Baptiste Colbert, ministre de Louis XIV, décida d’installer l’un des symboles du luxe à la française: la manufacture des Gobelins. Depuis 1662, on y fabrique de prestigieuses tapisseries d’art destinées exclusivement aux lieux de prestige – ceux du gouverne ment, de l’Élysée à Matignon en passant par les minis tères, les ambassades et les institutions étrangères, mais aussi les résidences officielles à l'étranger. C’est entre ces murs qu’aujourd’hui encore, une trentaine de tech niciens d’art perpétuent un savoir-faire unique dont le symbole est un monogramme, ce G barré d’une broche qui authentifie ces chefs-d’œuvre d’art textile. Un an de travail pour tisser 1 m 2 Cette tradition esthétique remonte à Jehan Gobelin, qui a donné son nom à tout un quartier. Dès 1440, il pra tiquait ici la teinture grâce à la Bièvre, l’autre cours d’eau parisien, qui coule aujourd’hui sous le béton des rues voisines. Son rouge inimitable en écarlate de Venise faisait sa réputation. Henri IV a ensuite installé dans ces bâtiments des tapissiers flamands. L’État fran çais, sous Colbert, a récupéré le site pour créer ce qu’on appellerait aujourd’hui une pépinière de savoir-faire. Passé les grilles de l’enclos des Gobelins, il faut longer la
de pompons (pour les tapis) ou de fils (pour les tapisseries), dont elle s’inspire pour créer une teinte nouvelle ou en repro duire une existante. « C’est une chance de pouvoir s’intégrer dans un métier séculaire », souffle-t-elle, expliquant que « les bleus, par l’infinité de leurs nuances, sont les couleurs les plus difficiles à obte nir » . Le nombre de nuances augmente
During the time of Colbert, the looms were mostly operated by men. But over time, as men left to join the front lines and other professions, it became pre dominantly a women’s profession. This craft takes its name from the licières, the small cords that form a ring used to cross the threads when weaving. The weavers sit facing a mirror at the back
Chaque année, des artistes ont l’honneur de voir leur œuvre transposée en tapisserie Every year, few artists have the honor of seeing their work transposed into tapestry _
à chaque création, qui interprète une œuvre picturale ou photographique existante. Un comité artistique de 14 personnes choisit chaque année ces artistes qui ont l’honneur de voir leur œuvre transposée en tapisserie. En dosant les trois couleurs primaires (bleu, jaune,
of the tapestry, working under the light. Using a small ink pen they mark the patterns of lines and shapes on the warp threads while referring to a life-size paper model of the tapestry placed behind them. The entire tapestry is revealed only on the day the loom
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