Paris vous aime magazine Janvier-Février-Mars 2024

PARIS, VILLE LUMIÈRE

À gauche : vue nocturne des berges de la Seine, avec la Conciergerie, le pont au Change au premier plan, et la tour Eiffel.

P aris est un semeur. Où sème-t-il? Dans les ténèbres. Que sème-t-il? Des étincelles », écrit en 1876 Victor Hugo, alors en exil. Le grand poète regrette sa « ville lumière ». Une appellation dont l’origine continue de déchirer les historiens. Pour certains, la capitale française doit ce surnom aux visiteurs de pas sage (voyageurs d’affaires, personnalités importantes) sous le règne de Louis XIV! En créant le premier établissement de lanternes en 1665, le Roi-Soleil donne naissance à l’éclai rage public. Une manière de sécuriser la cité à la nuit tom bée. Pour rassurer la population, le lieutenant général de la police Gabriel Nicolas de la Reynie installe lanternes et flambeaux, et incite les Parisiens à placer une bougie ou une lampe à huile sur les rebords de leurs fenêtres pour chasser voyous et voleurs. Les visiteurs repartent ainsi fascinés par cette pluie de lucioles brillant dans la nuit. Pour Agnès Bovet-Pavy*, enseignante du master en Gé nie Lumière à la Faculté d’architecture La Cambre Horta à Bruxelles, c’est la fée électricité qui est à l’origine de cette appellation : « La première mention de ce surnom remonte à l’Exposition universelle de 1900. C’est alors pour Paris une façon d’incarner la modernité et d’affirmer qu’elle a rattrapé son retard sur New York ou Londres. » Un coup marketing de génie qui frappe les esprits, d’autant que cette année-là, 5000 ampoules électriques remplacent les 10000 becs de gaz qui servaient à illuminer la tour Eiffel depuis son inauguration, onze ans plus tôt. En outre, entre

1910 et 1940, les lampadaires, nés en 1744 grâce à l’ingé nieur Bourgeois de Châteaublanc, passent à l’électrique (après que le gaz eut remplacé l’huile dans les années 1830). Paris brille ainsi durablement de mille feux et de grands ar chitectes utilisent la lumière électrique dans la composition des façades vitrées et éclairées: Henri Sauvage réalise ainsi le cinéma Gaumont Palace (rue Caulaincourt dans le 18 e ), Albert Laprade le garage Citroën et Robert Mallet-Stevens la concession Alfa Romeo (tous deux rue Marbeuf dans le

P aris is a sower. Where does it sow? In the darkness. What does it sow? Sparks ”, wrote Victor Hugo in 1876 while in exile. The great poet longed for his “ City of Lights ”. Some his torians believe the French capital owes its nickname to visitors passing through Paris during the reign of Louis XIV, when the Sun King instituted the first public street lighting, ordering candle-lanterns to be lit in 1665 as a way to make the city safer at night. To reassure the population, police lieutenant-general Gabriel Nicolas de la Reynie installed these lantern as well as torches with human bearers and encouraged Parisians to place a candle or oil lamp on their win dowsills to deter thieves. Visitors were enchanted by the rain of fireflies that lit up the night. According Agnès Bovet-Pavy*, a lecturer at the Mas ters in Lighting Engineering programme at the Cam bre Horta School of Architecture, Brussels, the elec tricity fairy gave Paris its name: “ This nickname was first mentioned at the 1900 Universal Exhibition. For Paris, it was a way of embodying modernity and claim ing to have caught up with New York and London. ” It was a stroke of marketing genius that left a lasting impression, especially since in that year 5,000 electric bulbs replaced the 10,000 gas lights that had illumi nated the Eiffel Tower since its inauguration in 1889. After gas replaced oil in the 1830s, the streetlamps designed by Bourgeois de Châteaublanc in 1744 were electrified between 1910 and 1940. Paris continued to glitter, and architects used electric lights in the

On the left: night view of the Seine riverbanks, with the Conciergerie, the Pont au Change, and the Eiffel Tower. À droite : l’opéra Garnier illuminé. On the right: the Opera Garnier illuminated.

designs for their illuminated glass façades, such as Henri Sauvage’s Gaumont Palace cinema, Albert Laprade’s Citroën garage, and Robert Mallet-Stevens’ Alfa Romeo showroom. In À Travers l’Élec tricité , 1906, Georges Dary wrote that incandescent lamps “ adorned the interiors of theatres, cafés, restaurants, shops, and private homes [...] making fabrics shimmer, jewellery sparkle, and bronzes and gilding stand out ”. In 1927, an illuminated news paper was set up on the roof of a building opposite the Gare Saint-Lazare that broadcast news headlines, stock market prices, and advertisements. A well-deserved nickname In the 21st century, Paris and its lights are always a dream. There are countless tours and guides offering discovery packages “ by night ”, on foot or by boat. This is because, in addition to streetlights, the 340 sites, including the Eiffel Tower, the Louvre, the Pont Marie, and the Opera, are lit up at night. “ This is a huge num ber when compared with cities in Italy or Spain, where public spaces are often lit by a single spotlight ”, ALEXKOZLOV/ GETTYIMAGES - CHICUREL ARNAUD / HEMIS.FR

8 e arr.). Trois établissements qui n’existent plus aujourd’hui. Les lampes à incandescence, écrit Georges Dary dans À travers l’électricité (1906), « qui ornent l’intérieur des théâtres, des cafés, des restaurants, des magasins, et enfin des demeures particulières […] font chatoyer les étoffes, briller les bijoux de nouveaux feux, ressortir l’effet des bronzes et des dorures. » Signe de modernité ultime, en 1927, un journal lumineux est instal

La tour Ei el, l’Opéra… Près de 340 bâtiments parisiens sont éclairés Almost 340 Parisian monuments are lit up _

lé sur le toit d’un immeuble face à la gare Saint-Lazare où sont diffusés les grands titres des nouvelles, les cours de la Bourse, mais aussi des annonces publicitaires! Un surnom bien mérité encore aujourd’hui Au XXI e siècle, force est de constater que Paris et ses lu mières font toujours rêver. On ne compte plus les tours et guides qui proposent des formules découvertes « by night », à pied ou en péniche. C’est que, outre l’éclairage des voies publiques, celui des bâtiments parisiens concerne près de 340 sites dont la tour Eiffel, le Louvre, le pont Ma rie ou l’Opéra. « Un chiffre colossal, commente Roger

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