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Pierre Cardin dans son hôtel particulier parisien, en 1975. Pierre Cardin in his Paris mansion, 1975.

Le Triangle d’or

de PIERRE CARDIN

E n poussant la porte de Maxim’s, entre les places de la Concorde et de la Madeleine, on pénètre dans un restaurant mythique qui a fait les grandes heures de la capitale, mais aussi dans l’un des joyaux de l’empire Pierre Cardin. Car ce couturier milliardaire, qui façonnait et coupait en virtuose, était aussi un investisseur compulsif, tissant sa toile au cœur du Triangle d’or parisien. À Maxim’s, qu’il fréquenta en client assidu avant de l’acquérir, s’ajoutent un immeuble rue de l’Élysée, d’autres rue du Cirque et avenue de Marigny, le fameux Espace Cardin plus un hôtel avenue Gabriel, sans oublier son bureau histo rique, pile en face du porche de la présidence de la République. Logique, pour un homme qui incarna si bien la France dans le monde : pendant des décennies, son nom a été autant, sinon plus, connu que celui du chef de l’État ! L’ÉCLAT DE LA VIE PARISIENNE Étonnant destin que celui de ce petit immigré italien, parti de rien pour s’imposer comme pape du faubourg Saint-Honoré, roi de la pop fashion et empereur des produits sous licence. Né en 1922 aux environs de Trévise, Pietro Cardini a 2 ans quand ses parents, viticulteurs ruinés, décident d’emmener leurs six enfants vivre en France, à Saint-Étienne. Devenu Pierre Cardin, très tôt passionné par la couture, il entre comme apprenti chez Bompuis, un tailleur local, tout en se formant à la comptabilité. L’éclat de la vie parisienne, dont les magazines feuilletés chez le coiffeur lui offrent les échos, le fait déjà rêver. Au point qu’en 1941, méprisant les contingences de la guerre, il décide de rallier la capitale… à vélo. Stoppé net à Moulins, sur la ligne de démarcation, le jeune homme ronge son frein à Vichy, où il affine son savoir-faire chez Manby, le tailleur le plus chic de la ville. En 1945, il est embauché comme comptable à la Croix-Rouge et rejoint le siège parisien de l’association d’aide humanitaire, muni toutefois d’une lettre de recomman dation que lui a écrit une amie comtesse, pour travailler dans la mode. Selon la légende, un dimanche matin de novembre, il arrête le seul passant qu’il croise rue du Faubourg Saint Honoré pour lui demander où se situe le n° 82. Or, l’homme est justement celui avec qui il a rendez-vous, un certain Waltener qui a ses entrées dans l’industrie et qui l’oriente vers la maison de couture Paquin, au 3, rue de la Paix. Pierre Cardin a trouvé sa terre d’élection : désormais, son destin sera étroitement lié aux beaux quartiers de la rive droite. PAR BERTRAND ROCHER De fil en aiguille, le grand couturier a posé sa griffe sur le Faubourg Saint Honoré où il a bâti un empire éclectique.

En 2017, l’année de ses 95 ans. In 2017, the year he turned 95.

PIERRE CARDIN’S GOLDEN TRIANGLE

T he legendary restaurant Maxim’s, between Place de la Concorde and Place de la Madeleine, was one of the jewels in the crown of Pierre Cardin’s empire. A virtuoso designer and tailor, the multi-millionaire coutu rier was also a compulsive investor, casting his web in the heart of Paris’ Golden Triangle, where he owned buildings on rue de l’Élysée, rue du Cirque and avenue de Marigny, as well as the famous Espace Cardin and a hotel on the avenue Gabriel and his historic office opposite the French presiden tial palace. For the man who embodied France throughout the world – with greater name recognition than even the French presidents – this seemed an entirely logical move. THE GLAMOUR OF PARISIAN LIFE The story of this Italian immigrant, who rose from humble origins to become the pope of Faubourg Saint-Honoré, the king of pop fashion, and the emperor of licensed products, is a true rags to riches tale. Born in 1922 near Treviso, Pietro Cardini was two years old when his parents moved with their six children to Saint-Étienne, France. The young Pierre Cardin (his new Frenchified name) had a passion for sewing and honed his skills with a local tailor while also training as an accountant, all the while dreaming of the glamour of Parisian life he glimpsed in magazines at the barber shop. In 1941, despite the vagaries of the war, Cardin set out for the capital on his bicycle but was stopped at the demarcation line in Moulins and ended up settling in Vichy, where he worked for fashionable boutiques. He finally moved to Paris in 1945 after being recruited by the Red Cross, bearing a letter of introduction from a countess to a Paris fashion house. The introduction was a success and Cardin was hired by Paquin, a fashion house at 3 rue de la Paix in the neighbourhood of his dreams. From that moment, the young man’s destiny The great couturier left his mark on the Faubourg Saint-Honoré, where he built an eclectic empire.

GIANNI GIRANI/REPORTERS ASSOCIATI & ARCHIVI/MONDADORI PORTFOLIO / BRIDGEMAN IMAGES; SP PIERRE CARDIN

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AVRIL - MAI - JUIN 2025 - PARIS VOUS AIME / 105

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