PARIS VOUS AIME MAGAZINE - N° 3
On vous sait fan d’opéra mais, plus largement, quels sont vos goûts en matière culturelle? Quels lieux fréquentez-vous? Je suis presque boulimique de culture. C’est vrai que j’ai une solide réputation de lyricomane , en partie à cause de l’émission que j’animais sur France Musique. Depuis, on m’a étiquetée «opéra» comme si je n’aimais que ça. Mais c’est faux ! J’adore les arts plas- tiques, âner dans les galeries, je vais beaucoup au théâtre, au cinéma, je suis aussi très sensible aux monuments du patrimoine. Je ne suis pas forcément attachée à un lieu en particulier : plus que le contenant, j’aime le contenu. On peut très bien avoir une émo- tion fantastique dans un petit festival ou dans un lieu éloigné des autoroutes culturelles. Il faut savoir tout goûter, tout regarder sans préjugés, et se laisser sur- prendre. Rares sont les spectacles ou les œuvres qui ne me donnent pas d’émotion. Je suis toujours émue quand je me trouve face à des artistes qui se produisent sur une scène, qu’ils soient chanteurs, acteurs ou acrobates. Vous avez débuté le piano très tôt et longtemps pratiqué le chant, auriez-vous rêvé d’être artiste plutôt que ministre? Absolument. Mon fantasme absolu était d’être la Callas, mais il ne faut pas s’élever au-dessus de sa condition ! (rire) . Plus jeune, mes professeurs de musique, de piano en particulier, avaient dit à mes parents que je pourrais pour- suivre dans cette voie de manière professionnelle. Ma mère n’était pas de ce goût-là. Il fallait avoir une profession solide, ce qui signi- ait pour elle : médecin, pharma- cien ou dentiste. Ma sœur est den- tiste et moi je suis pharmacienne. Voilà ! En dépit de cette carrière qui n’a pu se faire, je me suis tou- jours sentie très proche du monde des artistes, et d’ailleurs, lorsque j’ai été nommée rue de Valois, mes premiers mots ont été : Je serai la ministre des artistes.
tiques (théâtre, cinéma, architec- ture, danse, chant). En n, le der- nier enjeu sera de transformer en opportunité la profonde mutation des pratiques culturelles, (je pense au numérique), qui sont parfois considérées comme des menaces. Je veux que ces nouvelles pra- tiques soient au contraire por- teuses de développement. Cela passera sans doute par de nouveaux modes d’expression rendus possibles par le numé- rique, mais il faut que le spectacle vivant reste un spectacle vivant, qu’on continue à aller dans les salles, qu’on y voit des artistes, qu’on communique avec eux. Je me refuse à penser que demain, on n’entendra plus d’opéra que devant un écran et en s’abonnant à une plateforme. Il faudra à un moment retourner dans une salle de concert. Idem pour les livres, on peut lire sur une liseuse mais feuilleter un livre, sentir le papier sous ses doigts, reste quand même une rencontre extraordinaire. Il ne faut pas opposer le physique et le numérique, l’offre doit être diversi ée mais il faut que la ren- contre avec les artistes subsiste. Vous êtes revenue en politique après plusieurs années dans les médias où l’on a découvert d’autres facettes de votre personnalité et une femme très libre dans ses propos. Est-il possible de continuer à exercer cette liberté de parole quand on fait partie d’un gouvernement? Tout dépend de ce qu’on entend par exercer une liberté de parole. J’ai toujours eu le sentiment que ma parole de ministre engageait le gouvernement. C’est une respon- sabilité qui m’impose de ne pas dire n’importe quoi, mais il y a des choses auxquelles je tiens. La liberté de parole est une liberté de la pensée. Je n’ai jamais adopté en tant que ministre, dans les diffé- rents postes que j’ai occupés, des positions orthogonales avec mes convictions. Si être ministre Y a-t-il de nouvelles formes culturelles à inventer?
show on France Musique. Since then, I’ve been labelled ’opera,’ as if it were the only thing I liked. But I love the visual arts, strolling in galleries, attending plays and movies. I’m also sen- sitive to heritage. I’m not neces- sarily attached to one particular place; more than the container, I love what’s inside. One can have a beautiful emotion in a small festi- val or in a place far off the beaten cultural path. You have to know how see and sample everything without prejudice and to allow for surprises. I’m always moved in front of singers, actors, or acro- bats performing onstage. You started piano lessons at a young age and practiced singing for a long time. Did you dream of being an artist rather than a minister? Absolutely. My biggest fantasy was to be Maria Callas, but one mustn’t rise above her station! When I was young, my music teachers, especially my piano teachers, told my parents I could pursue this path as a profes- sional. This wasn’t to my moth- er’s liking. One had to have a solid profession, which for her was being a doctor, pharmacist, or dentist. My sister is a dentist and I’m a pharmacist. And voila! Despite everything, I’ve always felt close to artists, and when I was appointed minister my first words were: I will be the minister of artists. You were appointed Minister of Culture in July in a very difficult context due to the pandemic. What are your priorities? The first is to save live perfor- mance, which is in a state of absolute emergency. We allocated nearly five billion euros to sup- port this sector because in many cases it’s about survival. We will also substantially help in the future. The second priority is to strengthen France’s attractive- ness by preserving and enhanc- ing our heritage, including the
[restoration] of the emblematic Notre-Dame cathedral. I also believe it’s important to promote access to the arts for children and young people and offer them the best training possible via our amazing network of schools for theatre, cinema, architecture, dance, and singing. The final challenge is to transform these profound cultural challenges into opportunities (such as digital) rather than threats. On the con- trary, I want these new methods to encourage novel developments and ideas. They will probably arise via new modes of expression engendered by digital technology. But perfor- mances must also remain a liv- ing spectacle and we must con- tinue going to the theatre to see and communicate with artists. I don’t want to believe that in the future we will hear opera only in front of screens or by subscrib- ing to a platform. At some point, we will return to the concert halls. The same goes for books: you can read on an e-reader but leafing through a book and feel- ing the paper under your finger- tips remains an extraordinary encounter. We mustn’t oppose the physical and the digital. Our options must be diversified, but we must continue meeting artists in person. You returned to politics after several years working in the media, where we saw a woman who speaks her mind freely. Is it possible It depends on what meant by exercising freedom of speech. I’ve always believed that what I say as a minister commits the government. It’s a responsibility that requires me not to say just anything. But there are things I care about. Speaking freely is freedom of thought. As a Are there new cultural forms to be invented? to continue to exercise this freedom of speech in government?
Justement, vous avez été nommée en juillet dernier au ministère de la Culture dans un contexte très dif cile lié à la pandémie. Quelles sont vos priorités? La première est de sauver le spec- tacle vivant, qui est en état d’ur- gence absolue. Nous avons com- mencé par débloquer près de cinq milliards d’euros sous forme d’aides diverses pour soutenir le secteur, car dans beaucoup de cas il s’agit de survie. Concernant l’avenir, le soutien sera substantiel puisque le Premier ministre a pré- senté un plan de relance qui pré- voit, et je m’en félicite, des mesures signi catives pour le secteur de la culture. La deuxième est de ren- forcer l’attractivité de la France, en préservant son patrimoine et en le valorisant. Cela passera, entre autres, par la poursuite du chan- tier emblématique de la cathédrale Notre-Dame. Il me tient également à cœur de proposer des actions pour favoriser l’accès des enfants et des jeunes à la culture, et leur offrir les meilleures formations grâce à notre fantastique réseau d’établissements supérieurs artis-
Française and the theatres at Grands Boulevards. For me, Paris was always synonymous with culture.
Do you have the soul of a Parisienne?
No, I have remained a ’provin- ciale’ and feel deeply Angevine. But that doesn’t prevent me from adoring Paris. I’m often surprised to find that many Parisians don’t even realise the incredible cul- tural opportunities at their door- step. I have friends who have never set foot in a museum a stone’s throw from their home! Hemingway said, “Paris is a cel- ebration,” and I partake in it by going to a different cultural event every evening. This has always been part of my life, long before I became a minister. We know you’re an opera aficionado, but what are your cultural tastes more generally? Where do you like to go? I’m a devourer of culture. It’s true that I have a reputation as a lyr- icomaniac, partly because of my
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