PARIS VOUS AIME MAGAZINE - N° 3

indifférents, précise-t-il. C’est comme cela qu’il est devenu ce qu’il fut.» Une jeunesse dif cile con rmée par Juliette Dubois, guide et créatrice de balades ur- baines thématiques (2) , dont une consacrée au créateur de Jules et Jim . «Cet ado incompris s’est forgé tout seul. Ce qui l’a sauvé, ce sont les lms qu’il voyait en cachette au lieu d’aller en cours.» L’enfant terrible des rues parisiennes Il faut donc se gurer l’élève Truffaut premier de sa classe en école buissonnière, Titi parisien arpenteur de rues et lou resquilleur, dans ce quartier alors populaire. Il faut l’imaginer rebondir de cinéma en cinéma autour d’un axe Pigalle-Barbès. Le Mirage, l’Agora, l’Artistic, Le Delta: autant de lieux refuges, aujourd’hui disparus, où il se fau le sans payer, piquant la nuit les photos murales d’Humphrey Bogart ou Lauren Bacall en fracturant les vitrines à l’aide d’un tournevis. Mais le vaisseau-amiral, c’est le Gaumont Palace qui domine le boulevard de Cli- chy de sa façade Art déco, abritant plus de 6000 places. «Le plus grand d’Europe, voire du monde» , souligne Phi- lipe Lombard. Aujourd’hui remplacé par une chaîne de bricolage, il fut détruit en 1973, ce dont François Truffaut ne se remettra jamais. Mais, pour l’heure, le jeune af- franchi découvre les quartiers de Paris grâce à Orson Welles ou Sacha Guitry. Quand il a faim, il pille le tronc des églises et vole des bouteilles de lait sur le perron des immeubles. Un esprit d’indépendance et une ca- pacité à s’adapter que l’on retrouve dès qu’il empoigne sa première caméra. Précurseur de la Nouvelle Vague, «le manque de budget le pousse à tourner sur place, dans la rue, à l’insu des passants» , rappelle Philippe Lombard. «Il voulait montrer les vrais gens et la vérité des rues, complète Juliette Dubois. Pour retrouver cette époque ré- volue, il faut voir ses lms.» Si son œuvre constitue un vi- vi ant portrait de l’après-guerre, elle distille un étrange sentiment de décalage. Dans Domicile conjugal ou Tirez sur le pianiste , les personnages prennent des autobus à plateforme, envoient des pneumatiques ou parlent à leur gardienne dans des cours sans digicode. «En comparant aujourd’hui avec les images de ses lms, on s’aperçoit à quel point les quartiers populaires des Batignolles et de

“This misunderstood teenager raised him- self. What saved him were the movies he secretly watched instead of going to school.” The problem child of the Paris streets We must imagine the pupil Truffaut – rst in his class at truancy – a Paris urchin, trickster, and free- loader bouncing from cinema to cinema around the Pigalle-Barbès axis, the home of nearly 30 movie theatres. Long-extinct theatres Le Mirage, l’Ag- ora, l’Artistic, and Le Delta were some of his many refuges, where he would sneak in at night and prise movie posters of Humphrey Bogart or Lau- ren Bacall from their windows with a screwdriver. But his headquarters was the 6,000-seat Art Deco- style Gaumont Palace on the Boulevard de Clichy: “the largest in Europe, if not the world”, af rms Lombard. The theatre was demolished in 1973 and replaced with a hardware chain store, a loss from which Truffaut never recovered. During this period the free-spirited youth discovered Paris neigh- bourhoods through the works of Orson Welles and Sacha Guitry. When he was hungry, Truffaut pil- fered from church donation boxes and stole milk bottles left in front of apartment buildings. He wielded his rst camera in the same spirit of inde- pendence and adaptability. A founder of the French New Wave, Truffaut’s “lack of money pushed him to shoot on the spot, in the street, without the per- mission of passersby”, emphasises Lombard. “He wanted to show real people and depict the reality of the streets. To connect with this bygone era it’s essential to see his lms”, adds Dubois. Truffaut’s uvre creates a vivid portrait of the postwar era, conveying a feeling of otherworldliness. In Bed and Board (1970) and Shoot the Piano Player (1960) the characters take platform buses and talk to their

Le cinéma Gaumont Palace, boulevard de Clichy. The Gaumont Palace cinema, on the Boulevard de Clichy.

DOINEL, LE DOUBLE FICTIONNEL DOINEL, A FICTIONAL DOUBLE

Les Quatre Cents Coups avec Jean-Pierre Léaud, (1959). The 400 Blows , with Jean-Pierre Léaud (1959).

Pendant cinq lms, François Tru aut charge

In ve of his lms, François Tru aut has Antoine Doinel, his ctional alter-ego, walk in his footsteps in Paris. In The 400 Blows (1959) the rascal ventures between the glise de la Trinité, Avenue Trudaine, and the Rue des Martyrs. In Antoine and Colette (1962) he moves to the Rue Lécluse (17th) opposite his lover’s house, and returns freshly separated in Bead and Board (1970). Stolen Kisses (1968) shows the neo-detective in his room in Square d’Anvers. In Love on the Run (1979) Tru aut closes the Doinel saga symbolised by the Montmartre cemetery.

Antoine Doinel, son personnage fétiche, de marcher sur ses

traces dans Paris. Dans Les Quatre Cents Coups (1959), le petit sauvageon s’amuse entre l’église de la Trinité, l’avenue Trudaine et la rue des Martyrs. Dans Antoine et Colette (1962), le jeune homme s’installe rue Lécluse (17 e ) en face de chez son amoureuse, où il reviendra, fraîchement séparé, dans Domicile conjugal (1970). Baisers volés (1968) lme le néodétective dans sa chambre square d’Anvers. Dans L’Amour en fuite (1979), Tru aut clôt la saga Doinel et montre le cimetière Montmartre.

concierge in a world without entry codes. “When we look at the images in his lms now we realise the extent to which Batignolles and Pigalle, then working-class neighbourhoods, have changed and have become bourgeois, with clean façades”, notes Dubois. François Truffaut was an important chronicler of a soon-to-be forgotten Paris. 1) Le Paris by François Tru aut, Philippe Lombard (Parigramme, 2018).

Pigalle ont changé, sont devenus plus bourgeois, avec toutes ces façades ravalées» , remarque la créatrice des ciné-balades. François Truffaut fut le précieux ambassadeur d’un Paris bientôt oublié. (1) Le Paris de François Tru aut, Philippe Lombard (Parigramme, 2018). (2) cine-balade.com, à retrouver sur exploreparis.com.

Écoutez notre podcast Sur les traces de Truffaut aux Batignolles.

Listen to our podcast in the footsteps of Truffaut in the Batignolles.

2) cine-balade.com, at exploreparis.com

BIO

1981 César dumeilleur lm, réalisateur et scénario pour Le Dernier Métro . Wins the César award for best lm, director, and screenplay for The Last Métro .

1984 Décès à Neuilly-sur-Seine. Death in Neuilly-sur-Seine.

2014 Rétrospective à la Cinémathèque française. Retrospective at the Cinémathèque Française.

1948 Placement au Centre d’observation des délinquants mineurs de Villejuif. Admitted to the Villejuif Juvenile O ender Observation Centre.

1974 Oscar du meilleur lm étranger pour La Nuit américaine . Wins the Oscar for Best Foreign Film for Day for Night.

1977 Acteur dans Rencontres du troisième type de Steven Spielberg . Appears in Steven Spielberg’s Close Encounters of the Third Kind .

© BRIDGEMAN IMAGES - GLASSHOUSE IMAGES/SHUTTERSTOCK

SEPTEMBRE - DÉCEMBRE 2020

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