Paris vous aime magazine avril-mai-juin 2022

fiée. Importée d’Iran depuis l’Antiquité, elle est cultivée en France jusqu’au XIX e siècle, mais faute de pouvoir mécaniser les récoltes et d’augmenter les productions, les agriculteurs l’abandonnent. Une rareté qui a aussi séduit les sœurs du Bessey. «Le safran supporte diffé- rents climats. Il se plante en été dans un sol bien drainé et ses fleurs se récoltent, une fois par an, au mois d’oc- tobre» , explique Amela qui a planté 70000 bulbes cette année avec son équipe. L’autre qualité de « l’or rouge » , et pas des moindres, réside dans son faible impact sur l’en- vironnement. La plante pousse sans énergie, n’a besoin ni d’eau ni d’intrants chimiques, et ne produit aucun déchet. Même les pétales, dont sont extraits des prin- cipes actifs végétaux, servent à la fabrication de crèmes cosmétiques. Il n’y a qu’au moment de la récolte que le safran demande plus d’attention et beaucoup de main- d’œuvre pendant quatre semaines. Fragiles, les fleurs doivent être cueillies tous les matins pour être émondées afin de recueillir les trois stigmates (filaments) rouges du pistil. L’occasion, pour la fratrie, de proposer des ate- liers : participation à la récolte, découverte de l’histoire de cette épice odorante et du projet BienÉlevées. Au fil des jours, ce sont près d’un kilo de filaments graciles qui sont séchés, puis conditionnés pour être vendus à des professionnels (70 %) ou à des particuliers (30 %). Des arômes puissants Le chef étoilé Jean-François Piège n’a pas hésité à sélec- tionner le safran de la maison d’agriculture urbaine BienÉlevées pour aromatiser les macarons de Noël signés Ladurée. Reconnue comme «producteur artisan de qua- lité» par le Collège culinaire de France, créé par Alain Ducasse et 15 autres toques étoilées, l’entreprise produit un safran d’excellente qualité. «À chaque récolte, notre safran est analysé en laboratoire afin de vérifier chimique- ment son intensité. À chaque fois, il se retrouve classé en catégorie1, soit la catégorie la plus puissante» , rapporte l’agricultrice urbaine, qui compte parmi ses premiers clients Hugo Bourny, chef pâtissier de la maison Lucas Carton, place de la Madeleine. «Il a testé notre safran sous toutes les coutures pour en tirer tout son arôme» , confie Amela. Tout simplement inspirant.

La ne idée

DU SAFRAN SUR LES TOITS DE PARIS

Depuis 2018, quatre sœurs ont investi sept terrasses dans la capitale et sa banlieue pour cultiver le safran. Une précieuse épice dont elles dévoilent les secrets pendant les ateliers et les visites qu’elles organisent toute l’année.

SAFFRON ON PARIS ROOFTOPS

Since 2018, four sisters have been growing saffron on seven terraces in the capital and its suburbs. They organise workshops and visits year-round to reveal the secrets of this precious spice.

Nassera Zaid

Épice rare et coûteuse, le safran se récolte en octobre. Cent cinquante fleurs sont nécessaires pour obtenir un gramme d’or rouge. The rare and expensive saffron spice is harvested in October. One hundred and fifty flowers are needed to obtain one gram of the red gold.

A t harvest time in October, the rooftops are covered with spectacular mauve-coloured flowers”, enthuses Amela du Bessey, the eld- est of the sisters, who initiated this urban saffron project. The siblings, who live and work in Paris, were brought up the countryside; urban agriculture is a way for them to reconnect with nature. "Several years ago, I planted saffron at my parents’ house out of curiosity”, says Amela. "I repeated the experiment on my Parisian balcony to determine the flowering period. Over time, I realised that the plant seemed happier in Paris than in Auvergne’s clay soil, mak- ing crocus sativus suitable for urban agriculture”. In 2017, Amela, Louise, Philippine, and Bérengère launched "BienÉlevées – Maison d'Agriculture Urbaine" and participated in the call for projects by the City of Paris’s 'Parisculteurs' project to install suspended saffron trees. The jury unanimously selected the family project, which began in 2018 with saffron planted on 2,000 sq-m (21,500 sq-ft) on eight rooftops, including a Monoprix department store in the 13 th , Institut du Monde Arabe, a hotel school in the 14 th , a company in Ivry-sur-Seine, the Créteil Soleil shopping centre, and Opéra Bastille. Precious, delicate plants Some 150 flowers are needed to make one gram of saffron! No wonder the spice is so expensive and often adulterated. Imported from Iran since Antiq- uity, it was cultivated in France until the 19 th century. “Saffron that is planted in summer in well-drained soil and harvested in October tolerates various cli- mates”, explains Amela, who planted 70,000 bulbs this year with her team. The other advantage is the

A u moment de la récolte en octobre, c’est spectaculaire. Tout à coup, les toits sont couverts de fleurs mauves», s’enthou- siasme Amela du Bessey, l’aînée des sœurs initiatrices de ce projet de safra- nières urbaines. Originaire de la campagne, la fratrie, qui vit et travaille à Paris, est en manque de nature et voit en l’agriculture urbaine une réponse à cette envie de remettre les mains dans la terre. Mais que faire pous- ser en ville? «Il y a plusieurs années, par curiosité, j’avais planté du safran chezmes parents, raconte Amela. Puis j’ai réitéré l’expérience surmon balcon parisien afin de vérifier sa période de floraison. Au bout d’un certain temps, je me suis rendu compte que la plante était plus heureuse à Paris qu’en Auvergne. La terre y était trop argileuse alors que le crocus sativus a besoin d’avoir les pieds au sec. Je me suis dit qu’il pourrait convenir à l’agriculture urbaine.» C’est ainsi qu’en 2017, Amela, Louise, Philippine et Bérengère créent «BienÉlevées, maison d’agriculture urbaine» et participent à l’appel à projets de la mairie de Paris, Parisculteurs, pour l’installation de safranières suspen- dues. Plébiscité à l’unanimité par le jury, le projet familial va rapidement trouver sa place en ville. En 2018, une pre- mière safranière voit le jour sur le toit d’unMonoprix dans le 13 e arrondissement, puis suivent celles de l’Institut du monde arabe, de la commune de Montrouge, d’un lycée hôtelier dans le 14 e arrondissement, d’une entreprise à Ivry-sur-Seine, du centre commercial de Créteil Soleil, de l’Opéra Bastille. Résultat: huit terrasses au total dont une à Lyon, avec près de 2000m 2 de couverts de crocus sativus. Des plantes précieuses et fragiles Il faut 150 fleurs pour obtenir un gramme de safran. Pas étonnant que l’épice soit si chère et souvent falsi-

plant’s low impact on the environment, as it grows without energy, water, or chemicals, and produces zero waste. The petals, fromwhich the plant’s active ingredients are extracted, are also used for mak- ing cosmetic creams. Saffron only requires greater attention and care during four weeks at harvest time, when the delicate flowers must be picked each morning to collect the pistil’s three red stigmas (fil- aments). The siblings offer workshops during this period: participating in the harvest, learning about the fragrant spice’s history, and discovering the BienÉlevées project. After a few days, close to a kilo of slender filaments are dried and packaged to be sold to professionals (70%) and individuals (30%). Powerful aromas Michelin-Starred chef Jean-François Piège uses saffron from Maison d’Agriculture Urbaine BienÉlevées to flavour Ladurée’s Christmas maca- rons. The Collège Culinaire de France, launched by Alain Ducasse and 15 other starred chefs, granted the company the "quality artisan producer" label. “The saffron we harvest is analysed in a laboratory which always classifies it in category 1, the most potent category”, says the urban farmer. One of the first customers, Hugo Bourny, pastry chef at Lucas Carton, place de la Madeleine, “tested our saffron in every way possible to extract all of its aroma”, says Amela. Truly inspiring.

Et ailleurs? BienÉlevées essaime à Lyon. Depuis septembre dernier, la maison d’agriculture urbaine a installé une nouvelle safranière en province, sur le toit-terrasse du centre commercial Westfied La Part-Dieu. Un rooftop de 900 m 2 de culture où, comme à Paris, les citadins peuvent participer à des visites, ainsi qu’à des ateliers pédagogiques et de découverte de ce crocus sativus.

And elsewhere? BienÉlevées also launched an urban farm in Lyon in September 2021 on the 900-sq-m (9,700-sq-ft) roof terrace of the Westfield La Part- Dieu shopping centre. Here, just like in Paris, locals can enjoy visits and educational workshops focussing on crocus sativus.

JULIE SUBIRY

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