Paris vous aime magazine avril-mai-juin 2022

Thanks to the guild system, apprentices had access to the best techniques Grâce au système des guildes, les apprentis avaient accès aux meilleures techniques

economists David de la Croix and Matthias Doepke and economic historian Jœl Mokyr, attributes part of Europe’s success to institutions favouring the intergenerational dis- semination of knowledge and, spe- cifically, the transmission of crafts- manship. For centuries, artisanal craftsman- ship (such as in boat building, tex- tile work, metalworking, and print- ing), has been the pride of France and many other European coun- tries. This expertise is unique in the sense that it is not limited to “explicit knowledge”, which can easily be codified and taught. It relies more on “tacit knowledge”, which is not so easy to communicate and must be learned from training with highly qualified and experienced people. It is often transmitted fromgeneration to generation and acquired only by practicing in workshops. Dissemination of expertise Since medieval times, craftsman- ship has been passed down from one generation to the next mainly through apprenticeship between a competent adult (the master) and a young person learning a craft. The apprentice spent most of the day in the master's workshop, learning from the master and more expe- rienced apprentices. The master transmitted the trade’s secrets in exchange for work; parents often had to pay a certain sum of money. The main issue with apprenticeship was that the exact nature of the skills imparted could not be defined in a contract. In certain cases, the master exploited the apprentice without providing adequate train- ing. An overarching organisation was therefore required for properly learning a trade. In the Ottoman Empire, India, and China, learning mainly took place within a family (parents or close relatives). While this greatly reduced the risk of opportunistic behaviour on the part of the master, this type of organi- sation had its drawback: appren- tices were exposed to the limited skill-sets of the relatives. Moreover, expertise was not transmitted from one family to another, thus consid-

compétences transmises ne pouvait être définie dans le cadre d’un contrat. Il pouvait arriver que le maître exploite l’apprenti sans dispenser de formation adé- quate. Une structure s’est donc révélée nécessaire pour que l’ap- prentissage fonctionne bien. Dans le monde ottoman, en Inde et en Chine, l’apprentissage se fai- sait surtout au sein de la famille (parents ou famille proche). Cela réduisait considérablement la possibilité d’un comporte- ment opportuniste de la part du maître. Mais cette organisation présentait un inconvénient : les apprentis n’étaient exposés qu’à un ensemble très limité de com- pétences – celles des proches. En outre, le savoir-faire n’était pas transmis d’une famille à l’autre, freinant considérablement les pro- grès technologiques. En Europe, bien plus qu’ailleurs, l’apprentissage, depuis l’époque médiévale, fut régi par les guildes. Ces institutions faisaient respec- ter les conditions des contrats, assuraient la médiation entre les maîtres et les apprentis, et empê- chaient les excès de comporte- ments opportunistes. Grâce à ce système, les appren- tis avaient accès aux meilleures techniques. Ainsi, les savoir-faire artisanaux, non limités par les contraintes des lignées familiales, ont pu s’étendre en Europe. La diffusion des savoirs s’est trouvée accélérée lorsque les apprentis ont commencé à voyager de ville en ville après leur formation ini- tiale afin d’acquérir de nouvelles techniques. Voie d’accès à l’emploi Certaines de ces guildes ont traversé les siècles. En France, aujourd’hui, les Compagnons du Tour de France comptent plus de 5000 membres actifs et, en 2010, l’Unesco a inscrit le compagnon- nage à la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, reconnaissant son rôle essentiel dans la transmission des savoir-faire traditionnels. La question de savoir si les guildes

favorisent ou non le développe- ment économique suscite encore des débats entre les historiens. Certains considèrent que les guildes ont nui à la croissance, car celles-ci utilisaient souvent des pratiques anticoncurrentielles. En particulier, les guildes ont fait augmenter les prix et limité le nombre d’apprentis que pouvait prendre un maître. Dans cet essai, les auteurs affir- ment qu’en dépit de ces incon- vénients, le modèle européen de l’apprentissage réglementé par les guildes était plus efficace que l’apprentissage au sein de la famille, qui dominait hors d’Eu- rope. Ils estiment que les guildes, en favorisant la diffusion des connaissances et des savoir-faire artisanaux, sont l’un des facteurs qui expliquent que la révolution industrielle ait eu lieu en Europe deux siècles avant d’autres régions du monde. Dans l’économie d’aujourd’hui, les « connaissances tacites » conti- nuent de jouer un rôle important. Le lien maître-apprenti demeure courant pour former les méde- cins et les scientifiques. D’autre part, à notre époque, la demande en matière d’articles de luxe faits main est forte. Beaucoup considèrent aussi l’apprentissage comme une solution pour lutter contre le chômage des jeunes. En Allemagne, il constitue la princi- pale voie d’accès à l’emploi pour les jeunes et est souvent cité comme l’un des moteurs du dyna- misme économique allemand. Emmanuel Macron, en inaugu- rant en mars le Centre de forma- tion des Compagnons du devoir à Tours, saluait d’ailleurs « le goût du devoir et du travail bien fait » des compagnons et promettait de nouvelles initiatives du gouverne- ment pour l’apprentissage. Sources David de la Croix, Matthias Doepke, Joel Mokyr, «Clans, guilds and the markets: apprenticeship institutions and growth in pre-industrial economy», The Quarterly Journal of Economics , 2018

AUTEURS Matthias Doepke est professeur d’économie à la Northwestern University. Ses recherches portent sur la croissance économique et le développement. David de la Croix est professeur d’économie à l’Université catholique de Louvain, où il travaille sur des questions d’économie et de démographie, dans une perspective historique. Joel Mokyr est un historien de l’économie basé à la Northwestern University. Ses travaux concernent la période allant de 1750 à 1914 en Europe, où il tente d’identifier les racines intellectuelles et économiques du progrès technologique. AUTHORS Matthias Doepke is professor of economics at Northwestern University. His research focusses on economic growth and development. David de la Croix is Professor of Economics at the Catholic University of Louvain, where he works on economics and demography from a historical perspective. Joel Mokyr is an economic historian based at Northwestern University. His work covers the period from 1750 to 1914 in Europe, wherein he seeks to identify the intellectual and economic roots behind technological progress. POUR ALLER PLUS LOIN/OF FURTHER INTEREST Joel Mokyr, The Gifts of Athena: Historical Origins of the Knowledge Economy , Princeton University Press, 2002 Ogilvie Sheilagh, “ The economics of guilds ” , Journal of Economic Perspectives , 2014 Kenneth Pomeranz, The Great Divergence: China, Europe, and the Making of the Modern World Economy , Princeton University Press, 2000

erably hampering technological progress. In Europe, more than elsewhere, apprenticeship was governed by guilds since medieval times. These institutions enforced contractual terms, mediated between masters and apprentices, and prevented excessively opportunistic behav- iour. Thanks to this system, appren- tices had access to the best tech- niques. As artisanal expertise was not limited by the constraints of family lineages, it spread through- out Europe. The dissemination of knowledge was accelerated when apprentices began to travel from town to town after their initial training in order to master new techniques. Path to employment Some of these guilds are centuries old. In France, the Compagnons du Tour de France have more than 5,000 active members and, in 2010, Unesco inscribed 'companionship' on the list of intangible cultural heritage of humanity, recognising its essential role in the transmission of traditional expertise. Whether guilds promote economic development is still a matter of debate among historians. Some believe guilds actually affected growth, as they oftenused anti-com- petitive practices. Guilds specifi-

cally raised prices and limited the number of apprentices a master could take on. In this essay, the authors argue that despite these drawbacks, the European model of apprenticeship regulated by guilds was more effec- tive than apprenticeship within a family, which was the dominating model outside Europe. They believe that, by promoting the dissemina- tion of knowledge and craftsman- ship, guilds were one of the factors explaining why the Industrial Rev- olution took place in Europe two centuries before other regions of the world. In today's economy, "tacit knowl- edge" continues to play an impor- tant role, and the master-apprentice relationship is still used to train doctors and scientists, for example.

As the current demand for hand- made luxury items is high, many see apprenticeship as a solution to youth unemployment. In Germany, it is the main way for young people to find work and often considered as one of the driving forces behind Germany’s economic success. When Emmanuel Macron inaugurated the Training Centre for Companions of Duty in Tours in March, he also praised the companions’ “taste for duty andworkwell done” and prom- ised new government initiatives for learning. Source David de la Croix, Matthias Doepke, Joel Mokyr, “Clans, guilds and the markets: apprenticeship institutions and growth in pre-industrial economy”, The Quarterly Journal of Economics , 2018

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