Paris vous aime magazine Juillet-Août-Septembre 2025
IDÉES
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UN FANTASME élaboré au cours du XIX e SIÈCLE LA PARISIENNE,
tenue adaptée à son sexe et à l’activité menée, qui dépend elle-même d’horaires journaliers, hebdomadaires, saisonniers. Outre le fait que « jamais une femme qui se respecte ne doit adopter les modes qui choquent la décence et la pudeur », la toilette du matin d’une femme est plus simple qu’une toilette de soirée ou de bal, celle d’une demoiselle, toujours plus modeste que celle d’une femme mariée, etc. Dans la rue, non seulement, une femme honnête doit avoir une tenue correcte et élégante, mais elle ne doit jamais relever sa robe plus haut que la cheville et ce, uniquement avec la main droite ! Les femmes se doivent d’éviter toute une série d’attitudes, mais aussi de lieux, sous peine de nuire à leur réputation. La plupart des guides publiés à l’époque évoquent le rôle de la maîtresse de maison en matière de réceptions, de bals ou de dîners, mais sont, en revanche, muets quant à la conduite à adopter dans un café, un restaurant ou un bal public. Et pour cause, la fréquentation de ces lieux, si elle est anodine pour les hommes, fait soupçonner l’immoralité, l’adultère et la prostitution pour les femmes. Le fait qu’Émile Zola fasse, dans La Curée , débu ter la liaison incestueuse entre Renée et Maxime Saccard dans un cabinet particulier du Café Riche, situé boulevard des Italiens, laisse supposer qu’il n’y aurait pas volontiers conduit sa femme. À LA MODE, MAIS PAS FRIVOLE La Parisienne de cette époque ne peut en effet aller partout, ou plus exactement, il existe plusieurs types de Parisiennes : celles qu’il faut imiter et celles avec qui il ne faut pas être
woman should never adopt fashions that offend decency and modesty ”. For example, it was considered appropriate for a woman’s morning attire to be simpler than her evening attire; a young lady’s dress more modest than the gown of a married woman. A respectable woman would not only dress correctly and elegantly but never lift her dress higher than her ankle – and only with her right hand. Women had to avoid certain attitudes and places or risk damaging their reputation. While most guides published at the time referred to the role of the lady of the house at receptions, balls and dinners, they remained silent on how women should conduct themselves in cafés, restaurants and public ballrooms. And with good reason: while visiting such places was harmless for men, women who did so were suspect of immorality, adultery and prostitution. That Émile Zola, in his novel La Curée , begins the incestuous affair between Renée and Maxime Saccard in a private room at the Café Riche on the Boulevard des Italiens, suggests he would never have taken his wife there. FASHIONABLE NOT FRIVOLOUS Parisian women were constrained as to where they could go. There were several types of women falling into two catego ries: those to be imitated and those with whom you should never be confused. Fashions helped to convey that
LA PARISIENNE: A FANTASY CHARACTER THAT EMERGED DURING THE 19TH CENTURY. After being known as the City of the Enlightenment, Paris earned the moniker “the Brothel of Europe”, and “La Parisienne” emerged as a distinct character in the 19th century.
Emblématique de la ville « bordel de l’Europe » après avoir été celle des Lumières, la Parisienne est avant tout un personnage façonné au XIX e siècle.
PAR LOLA GONZALEZ-QUIJANO, ILLUSTRATION BORIS SÉMÉNIAKO
I ncarnation d’une certaine image de la féminité, l’élégance, la silhouette racée et le « je-ne-sais-quoi » de la Parisienne font le bonheur des marketeurs de l’industrie française du luxe et de la haute couture, alors même qu’être parisienne s’appa rente à un art de vivre qui ne s’apprend pas. C’est « être rock et jamais bourgeoise », comme le résume l’ex-mannequin Inès de la Fressange, l’une des incarnations actuelles de la Parisienne, dans son best-seller, La Parisienne , sorte de guide paru chez Flammarion en 2010 pour « vivre à la parisienne ». Elle y distille conseils et bonnes adresses pour décorer sa maison, s’habiller, se maquiller, aller au restaurant, se promener, etc. GUIDES DE SAVOIR-PARAÎTRE ET SAVOIR-ÊTRE De prime abord, le guide d’Inès de la Fressange semble appartenir à une vénérable lignée éditoriale, celle des traités de savoir-vivre et autres manuels de politesse. Si les premiers ouvrages de ce type remontent au XVI e siècle, avec notamment le Traité de savoir-vivre à l’usage des enfants d’Érasme paru en 1877, leur nombre se mul tiplie au XIX e siècle. Les transformations de la société modifient alors profondément modes de vie et hiérarchies sociales : pour être à l’aise « en société » et ne pas trahir leur origine sociale, parvenus, nouveaux riches et bourgeois ambitieux ont donc recours à des guides. Ces derniers sont, en réalité, moins souvent la reproduction de l’étiquette régissant les espaces de sociabilité de la noblesse que son adaptation, voire sa réinvention, dans l’espace public bourgeois. En ce qui concerne les femmes, il s’agit donc moins d’adresses utiles que de conventions et d’attitudes à conserver et à respecter sous peine de déchoir socialement ou, pire encore, d’être assimilée à une femme de mauvaise vie. Pour cela, il est nécessaire de porter une
“T he Parisian woman” or “La Parisienne” embo dies a particular vision of femininity and “je ne sais quoi” that delights marketers in the French luxury and haute couture industries. With her easy ele gance and alluring figure, the Parisian woman embodies an art of living that can’t be learned, but can be mimicked. Inès de la Fressange, in her best-selling book La Parisienne, a guide to living like a Parisienne published by Flammarion in 2010, the former model and Parisian style icon sums up the Parisienne attitude as “ being rock ‘n’ roll and never bourgeois ”. Her book offers advice on fashion, makeup, dining out, interior design, and more. GUIDES ON HOW TO DRESS AND BEHAVE At first glance, de la Fressange’s guide fits into the longs tanding tradition of manuals on manners and etiquette. Although the earliest works of this type date back to the 16th century, with Erasmus’ A Handbook on Good Manners for Children , their number increased significantly in the 19th century. As profound societal transformations changed lifestyles and social hierarchies, the nouveau riche and the social-climbing bourgeoisie turned to these guides for help in navigating social situations without betraying their social origins. For 19th-century women, adhering to convention and looking the part was far more important than finding useful addresses. To this end, women carefully adhered to fashion codes appropriate to their gender and place in life in strict adherence to the belief that “ a self-respecting
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AVRIL - MAI - JUIN 2025 - PARIS VOUS AIME / 123
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