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IDÉES

DE LA STRUCTURE DES OS AU COMPORTEMENT DES HOMO HEIDELBERGENSIS ET HOMO SAPIENS ANCIENS Lorsque nous nous intéressons aux os des jambes des espèces humaines anciennes appartenant au genre Homo, c’est en particulier pour comprendre leur mobilité: nous voulons savoir s’ils marchaient beaucoup (haut niveau de mobilité), sans toutefois définir une fréquence de déplacement et une dis tance journalière. Nous évaluons aussi le type de terrain parcouru, sachant qu’un terrain plat ou avec des reliefs impactera différemment les os. Plus la marche est fréquente et intense, plus le terrain pratiqué est irrégulier, et plus les os subiront de fortes contraintes et se renforceront. En 2023, nous avons publié nos recherches sur la mobilité d’une femme d’une ancienneté de 24 000 ans provenant de la grotte de Caviglione (Ligurie, Italie). D’après la topographie du lieu de la découverte, cette femme Homo sapiens avait la possibilité de se déplacer à la fois sur des terrains à fort dénivelé et sur des terrains plats, le niveau de la mer étant bien plus bas qu’aujourd’hui. Les résultats ont montré le très haut niveau de mobilité pratiqué par cette femme grâce à ses fémurs et tibias, ainsi que l’adaptation de ses os à des déplacements fréquents en terrain montagneux grâce à ses fibulas. Plus précisément, nous avons mis en évidence une robustesse extrêmement élevée des fibulas de cette femme par comparaison à ses contemporains, mais aussi au regard des joueurs de hockey sur gazon, dont la pratique se carac térise par une grande mobilité de la cheville. Ces résultats suggéreraient la présence d’une activité préhistorique très intense sur des terrains irrégu liers. Ce type de terrain implique des mouvements variés de la cheville, et notamment des mouvements latéraux fréquents d’une plus grande amplitude que sur terrain plat, amenant la fibula à supporter plus de poids et donc à se renforcer. À 450 000 ans, nous observons également une robustesse très élevée des fibulas humaines, associée à un fort étirement de la diaphyse du tibia (Caune de l’Arago, Tautavel). Cela plaide pour un haut niveau de mobilité et des déplacements récurrents des Homo heidelbergensis à la fois dans la plaine et sur les reliefs aux alentours de la grotte de Tautavel. UNE ROBUSTESSE QUI QUESTIONNE Les forts renforcements observés chez certains Homo heidelbergensis et Homo sapiens anciens, aussi bien des femmes que des hommes, au regard de sportifs confirmés contemporains, sont très étonnants sachant que les hommes préhistoriques sont avant tout des marcheurs et que les contraintes les plus élevées s’exercent sur les os lors de la course à pied. La robustesse naturellement plus élevée d’un individu préhistorique, c’est-à-dire acquise génétiquement, pourrait expliquer certains des résultats. En étudiant la robustesse relative de la fibula (qui prend en compte pour chaque indi vidu le rapport de résistance entre sa fibula et son tibia), nous éliminons l’influence de ce type de facteurs génétiques sur nos résultats, partant du postulat qu’une robustesse naturellement élevée toucherait autant ces deux os. Pourtant, ce rapport (fibula versus tibia), déterminant pour comprendre les mouvements de la cheville, donne l’un des résultats les plus remarquables pour le squelette de Caviglione (24 000 ans). Il met en exergue la robustesse relative très élevée de ses fibulas. L’ensemble des résultats plaide pour une influence multifactorielle sur la structure osseuse, et notamment par l’impact significatif d’une activité non négligeable et continue au cours de la vie. Un haut niveau de mobilité dès un très jeune âge, lorsque l’os est particulièrement réactif aux stimuli mécaniques, associé à des déplacements en montagne, ou sur d’autres terrains irrégu liers, voire à la pratique de la course à pied, pourrait expliquer une telle robustesse à l’âge adulte chez des individus ayant vécu entre 500 000 ans et 20 000 ans. ◆

thanks to her fibula we could see that her bones were adapted to frequent movement in mountainous terrain. We specifically noted the extremely high robustness of the fibula of this woman compared to her own contemporaries and with modern-day hockey players with high ankle mobility. These results suggest the presence of very intense prehistoric activity on irregular terrain. This type of terrain involves different ankle movements and, in particular, frequent lateral movements of greater amplitude than on flat ground, causing the fibula to support more weight and therefore become stronger. We have also observed a high degree of robustness in human fibula, associated with a high degree of tibial diaphyseal elongation (Caune de l’Arago, Tautavel) which suggests a high degree of mobility and regular movements by Homo heidelbergensis in the region. The level of bone reinforcement observed in cer tain Homo heidelbergensis and Homo sapiens compared to modern athletes is surprising given that prehistoric humans were primarily walk ers and that the greatest stress on bones occurs during running. The naturally greater robustness of prehistoric individuals could explain some of the results. By looking at the relative strength of the fibula – which takes into account the ratio of the strength of the fibula to the tibia for each individual – we eliminated the influence of this type of genetic factor from our results, assuming that naturally high strength affected these two bones equally. However, the ratio of fibula to tibia essential for understanding ankle movement pro vides one of the most remarkable results for the 24,000-year-old Caviglione skeleton and highlights the high relative robustness of her fibula. Taken together, the results point to a multi factorial influence on bone structure, and in particular to the strong influence of significant A ROBUSTNESS THAT RAISES QUESTIONS

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and continuous activity over the course of a life time. A high level of mobi lity from a very young age, when bone is particularly responsive to mechani cal stimuli, combined with walking in the mountains or on other uneven terrain, or even running, could explain such robustness in adul thood in individuals who lived between 500,000 and 20,000 years ago. ◆

L’AUTEUR Tony Chevalier, ingénieur d’étude

Cécilia Blum, capitaine de la team jumping et égérie de Sans-Faute

en paléoanthropologie, université de Perpignan Via Domitia

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THE AUTHOR Tony Chevalier,

graduate student in palaeoanthropology, University of Perpignan, Via Domitia

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