Paris vous aime magazine Avril-Mai-Juin-2024

Plus de 70 % des espèces actuelles de nos villes seront en situation

Faut-il y opter principalement pour des essences indigènes en Île de-France ? En effet, le plan biodi versité de la Ville de Paris propose, dans son action 21, « de favoriser les espèces végétales régionales » . Les essences indigènes en Île-de France, peu nombreuses (de l’ordre d’une vingtaine d’espèces d’arbres), doivent évidemment y avoir toute leur place, à condition qu’elles y soient adaptées aux conditions envi ronnementales actuelles et à venir dans les prochaines décennies. Dans les « vraies forêts » d’Île-de France, hors agglomérations, ce choix de privilégier les essences indigènes (et d’exclure autant que possible les essences exotiques) dans les plantations est pleine ment justifié. Cette orientation doit aussi être appliquée dans les forêts suburbaines parisiennes (bois de Boulogne et de Vincennes) dans l’objectif d’accroître la naturalité de ces forêts. Par contre, cette option apparaît bien plus discutable en centre-ville, car des espèces allochtones y sont souvent mieux adaptées aux condi tions environnementales actuelles et futures et peuvent y rendre des services écosystémiques plus impor tants que les espèces autochtones. D’autre part, les essences exotiques potentiellement envahissantes peuvent y être facilement identifiées et maîtrisées. La diversification de la palette végétale par des essences allochtones doit ainsi permettre un accroissement des services écosys témiques et un embellissement du paysage urbain. 70 % des essences de nos villes à risques Selon la dernière estimation publiée début 2022, la flore ligneuse mondiale serait riche de plus de 73000 espèces d’arbres, dont 9000 resteraient à décrire, la plu part de ces espèces étant inféodées aux régions tropicales et donc non adaptées aux conditions climatiques de la Ville de Paris. Des milliers d’espèces d’arbres existent toutefois dans les régions tempérées américaines et eura siatiques, ce qui laisse encore de

city of Paris are plane, chestnut, linden, and maple, which together account for more than 50% of the city's trees. Historically, these spe cies have been found in densely planted, monospecific areas, a cir cumstance that increases their vul nerability to pathogens. Secondary tree species found in the capital include Japanese sophora, ash, pine, and oak. The iron tree or Persian parrot is a dense, bushy species that is beauti fully coloured in fall. Other species are much rarer, with some numbering fewer than five in the capital's green spaces. For example, the remarkable Wollemia nobilis, a conifer species discovered in Australia in 1995, is not even mentioned in the open data, although it can be found in the Jar din des Plantes, the Parc des Baga telles and the Parc du Quai Branly, and perhaps in a few other secret gardens in the capital. What role can native species play? The City of Paris has committed to planting an additional 170,000 trees between 2020 and 2026. Should the focus be on species native to the Île de-France region? Action 21 of the City of Paris’ Biodiversity Plan com mits to promoting “regional plant species”. Although there are not many native species in the Paris region (around 20), they should take their rightful place, provided they are adapted to current environmen tal conditions and the changing con ditions that will occur in the coming decades. For example, the tall ash is a native species of the Paris region that is

seriously threatened by the spread of the fungal disease chalarosis. In the “real forests” of Île-de-France outside the built-up urban and sub urban areas, the decision to give pri ority to native species and to exclude exotic species as far as possible is fully justified. This approach should also be applied to the Bois de Bou logne and Bois de Vincennes forests flanking Paris to the east and west, in order to respect our native for ests. But this decision is controver sial in urban centres, where non-na tive species are often better adapted to current and future environmen tal conditions, and can provide a greater service to the ecosystem than native species can. 70% of the tree species in our cities are threatened According to the latest estimate published in early 2022, the world's woody flora contains more than 73,000 tree species, of which 9,000 have yet to be described. Most of these species are native to tropical regions and are not adapted to the climate conditions of the city of Paris. However, there are thousands of tree species in the temperate regions of America and Eurasia, so there remains considerable scope for enriching and diversifying the woody flora of Paris. Experimenting with the introduc tion of such exotic species in Paris would enable us to assess their potential for acclimatisation in our cities and the ecological enhance ments they could provide, particu larly in the current context of cli mate change. This diversification of urban tree species takes on even greater importance as more than 70% of the existing species in our cities, including all of the species native to the Paris region, will be threatened by climate change in Paris and other major French cities by 2050. There are some 435 species of oak in the world, mainly found in the tem perate zones of the northern hemi sphere. Many of these species have been introduced to the arboreta of France and neighbouring countries. More than 300 species of oak can be

chênes dans le monde, présentes principalement dans les zones tempérées de l’hémisphère nord. Un grand nombre d’entre elles ont été introduites dans des arbo retums français et des pays voi sins. Ainsi plus de 300 espèces de chênes sont à l’arboretum de Pouyouleix (Dordogne), plus de 250 espèces dans celui de J.-L. Hélardot (Corrèze), de nom breuses également à l’arboretum de Wespelaar, près de Bruxelles, etc. De quoi permettre d’enrichir encore les collections de chênes des parcs et jardins, ainsi que des boulevards et avenues de la Ville de Paris ! Un enrichissement à poursuivre Ce sont évidemment en premier lieu l’arboretum de Paris et les jar dins botaniques (dont le Jardin des plantes, en liaison avec l’arbore tum de Versailles-Chèvreloup) qui ont vocation à diversifier la flore ligneuse parisienne, mais les parcs, squares, cimetières et d’autres espaces verts de la capitale peuvent également y contribuer. Cet enrichissement peut aussi conduire à créer des ensembles ligneux cohérents sur le plan bio géographique. C’est ainsi que, dans le cadre du projet de la Ville de Paris de création d’une forêt urbaine à la place de Catalogne (14 e arr.), nous avons proposé de constituer une forêt de type subméditerranéen. Sur le même principe, pourraient être créées dans la capitale, comme dans d’autres villes, sur de petites surfaces (de l’ordre de quelques milliers de mètres carrés), des forêts tempérées de type améri cain ou asiatique, voire de l’hémis phère sud, permettant au public de bénéficier sans se déplacer d’un premier aperçu des communautés d’arbres de ces régions. ◆

de risque face au changement

climatique d’ici à 2050

By 2050, more than 70% of existing tree

species in our cities will be at risk due to climate change

grandes possibilités d’enrichis sement et de diversification de la flore ligneuse parisienne. Des expérimentations d’introduction à Paris de telles essences exotiques pourraient ainsi permettre d’éva luer leurs potentialités d’acclima tation dans nos villes et les services écologiques qu’elles seraient sus ceptibles d’y assurer, en particulier dans le contexte du changement climatique actuel. Cette diversification des essences dans les villes apparaît d’autant plus cruciale que plus de 70 % des espèces actuelles de nos villes, dont toutes les essences indigènes en Île-de-France, seront en situa tion de risque par rapport au chan gement climatique d’ici à 2050 à Paris et dans les autres grandes villes françaises. Par exemple, il existe quelque 435 espèces de

found in the Pouyouleix Arboretum in the Dordogne, more than 250 spe cies in the JL Hélardot Arboretum in the Corrèze and many more in the Wespelaar Arboretum near Brus sels. Enough to enrich the collec tions of oaks in the parks and gar dens and on the boulevards and avenues of the city of Paris. Further enrichment The Paris Arboretum and Botanical Gardens, including the Jardin des Plantes in conjunction with the Ver sailles-Chèvreloup Arboretum, are the first to diversify Paris’ woody flora, along with the capital's parks, squares, cemeteries, and other green spaces. This enrichment can also lead to the creation of biogeographically coher ent groups of woody plants. As part of the City of Paris’ project to create an urban forest on Place de Cata logne in the 14th arrondissement, we proposed the creation of a sub-Med iterranean forest. Using the same principle, temperate forests of the American or Asian type, or even of the southern hemisphere, could be created in the capital and in other cities, on smaller areas (within a few thousand square meters), allowing the public to discover the tree com munities of these regions right in their own backyard. ◆

AUTEUR Serge Muller , professeur émérite, chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (UMR 7205), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) AUTHOR Serge Muller, is professor emeritus and a researcher at the Institut de systématique, Evolution and Biodiversity (UMR 7205), Muséum National d'Histoire Naturelle (MNHN)

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