Paris vous aime magazine Avril-Mai-Juin 2023
3 QUESTIONS À
TRIBUNE
CNRS Research Director at CEVIPOF, Sciences Po Centre for Political Research, author of Un Juste Regard, Publ. de l’Aube.
Jean Viard
W ith 11 million inha bitants, the role of the Ile de France in Europe is similar to that of New York City in the US. Both are major hubs for the scientific, financial, higher education, banking, political, cultural and indus trial sectors. This has changed the Ile de France’s hierarchical status: it is no longer the Paris region versus the French provinces, since these regions now gravitate around a true European capital. with Europe's leadingmetropolis and largest airport. But the government must promote this strategic transition. In recent decades, there has been an influx of people coming to Paris for business, studies, leisure, shopping and so on, who contribute so much energy to the city even though they don't live here. I go to themovies in Paris, I buy clothes in Paris, I give lectures here, and even have my very own napkin ring at Les Éditeurs café in the 5th arrondissement. Paris is definitely my city, even though I live 500 miles (800 km) away! Today, people need to travel to Paris but don’t neces sarily live here. With more than 2 mil lion inhabitants in Paris proper, 700,000 employees sleep here, and a million employees commute here daily, plus 2-3 million people who come here for other reasons. It’s a vast machine. We need to emphasise that there aremore scientists in Paris than in NY. But if you look down from a plane, no new towns need to be built in the Ile de France, instead what we need is a cohesive policy for the re gion to pool resources and reduce social inequality. We need a Greater Paris pro gramme on a grand scale and a political organisation with clear goals for the Ile de France, a president of Greater Paris elected by a universal vote and a global budget, not for the capital to overshadow the rest of France, but to highlight its place as one of theworld’s five "Global ci ties", along with New York, Los Angeles, Shanghai and London (whose influence has waned since Brexit). We mustn’t think only of Greater Paris, but of Paris on a grand scale. ◆ “ Think of Paris on a grand scale ”
Directeur de recherche CNRS au CEVIPOF, Centre de recherches politiques de Sciences Po, auteur de
Cécile Verdier
Un juste regard (Éd. de l’Aube).
Présidente de Christie’s France. President of Christie’s France.
Paris s’est-elle repositionnée aujourd’hui comme capitale de l’art ? New York reste la capitale mondiale incontestée du marché de l’art. Mais Paris a récupéré une partie des ventes qui se faisaient auparavant à l’étranger, tant du fait du Brexit qui, pour des raisons fiscales, rend la place de Londres moins attractive pour les clients euro péens, que grâce à l’accélération de la numérisation qui rassure les vendeurs sur la possibilité de vendre à Paris des œuvres extrêmement importantes sans décote. À Paris, quel domaine de l’art est le plus porteur, l’antique ou le contemporain ? On vend de tout à Paris, du fait de la variété des œuvres et des collections qui se trouvent en France. Du mo bilier royal du xviii e siècle comme de l’Art déco, des sculptures du Moyen Âge et des œuvres de Picasso, des photos de mode et des tableaux flamands du xvii e siècle, des bijoux, des sacs à main ou des bouddhas chinois. Les arts du xx e siècle (art moderne, contemporain, de sign, photos) tirent le marché et représentent plus de 60 % de ce que nous vendons, mais le mobilier et les objets d’art classiques connaissent un regain d’intérêt depuis la vente des collections d’Hubert de Givenchy par Christie’s en juin 2022. Depuis votre arrivée chez Christie’s en 2019, avez-vous entrepris des actions pour élargir votre public ? Développer le public est la préoccupation de toute mai son de ventes, et de Christie’s en particulier. Considé rant la richesse et les liquidités qui existent dans le monde, il était anormal que seul un petit nombre de personnes s’intéresse au marché de l’art. Nous avons entrepris de nombreuses actions : apprendre sur l’art via des tables rondes et des signatures de livres, or ganiser des vernissages festifs, avoir une communica tion digitale très visuelle, mettant en avant nos jeunes spécialistes. On communique aussi sur la variété des pièces que l’on peut acquérir chez Christie’s à des prix accessibles aux jeunes collectionneurs. Depuis deux ans, nous comptons 35 % de nouveaux clients (25 % pour les ventes en France), et un tiers d’entre eux ont entre 30 et 40 ans. ◆
Is Paris poised to become an art market capital? New York remains the world’s undisputed capital of the art market, but Paris has recently recovered some of the sales that might have been made abroad, due to Brexit, which has made London less attractive for European customers. Also thanks to the acceleration of digitalisation, which reassures sellers looking to sell important works in Paris without a drop in value. Which art segment has the best growth potential in Paris: antiquities or contemporary art? Due to the wealth and variety of works and collec tions found in France, we sell everything in Paris. Royal 18th-century furniture, Art Deco, sculptures from the Middle Ages, Picassos, fashion photo graphs, 17th-century Flemish paintings, jewellery, handbags, Chinese Buddhas, you name it. Twenti eth-century art — modern, contemporary, design, photography — drives the market, representing more than 60% of what we sell, but we're seeing a renewed interest in furniture and classic artworks since Christie's sale of the Hubert de Givenchy col lections in June 2022. What measures have you taken to expand your audience since you joined Christie's in 2019? Developing our audience is essential for an auction house like Christie's. Considering the wealth and liquidity in the world, it wouldn't be normal for only a small number of people to take an interest in the art market. We have undertaken many initiatives: teaching about art via round table discussions, book signings, festive openings, visual digital communications, and highlighting our young specialists. We also communicate on the variety of pieces that can be acquired at Christie’s at prices accessible to young collectors. In two years, we had a 35% increase in the number of new customers (a 25% increase in France), a third of which are between the ages of 30 and 40. ◆
“ Penser Paris en grand ”
A ujourd’hui, l’Île-de France est l’équivalent d’un New York pour l’Europe. Avec 11 millions d’ha bitants, la région a exactement les mêmes fonctions sociales que Big Apple pour les États-Unis, c’est-à-dire une énorme conur bation scientifique, financière, universitaire, bancaire, politique, culturelle, industrielle. Cette po sition modifie son rapport hiérar chique : ce n’est plus Paris face à la Province, nous sommes des ré gions à côté de la capitale de l’Eu rope. Il faut sortir de la lutte jaco bine Paris-Province, mais il faut aussi que l’État le fasse, car il a la chance d’avoir la première métro pole d’Europe — de très loin — avec le plus grand aéroport d’Europe. C’est fantastique. Depuis trente ou quarante ans, petit à petit, de plus en plus de gens viennent à Paris pour leurs affaires, leurs courses, leurs études, leurs loi sirs ou ce qu’ils veulent : la ville est devenue un lieu dynamisé par les gens qui n’y habitent pas. Personnellement, je vais au ciné ma à Paris, je m’habille à Paris, je donne des conférences, j’ai même mon rond de serviette et une pho to de moi au mur des Éditeurs, le café littéraire du 6 e arrondisse ment, c’est ma ville, mais j’habite à 800 kilomètres ! Aujourd’hui,
on est obligé d’aller à Paris, mais on n’est pas obligé d’y habiter. Avec plus de 2 millions d’habi tants dans la capitale française, 700 000 salariés y dorment, 1 million de salariés y entrent tous les matins, et en outre 2 à 3 millions y viennent pour divers motifs. C’est un énorme moteur. Il y a plus de scientifiques à Paris qu’à New York, c’est ce qu’il nous faut mettre en avant. Mais si vous prenez l’Île-de-France vu d’avion — comme dirait le général de Gaulle —, ce ne sont pas des villes nouvelles qu’il faut créer, mais un territoire politique en cohésion qui met en commun ses richesses et équilibre ses inégalités. Il faut lancer le Paris en grand comme on a fait le Marseille en grand. Il faut créer une structure politique et un pouvoir clair, un président du Grand Paris, élu au suffrage universel, une caisse commune, ne pas penser la capitale pour écraser la France, mais une mé galopole façon « global city », ces villes mondiales — qui ne sont pas plus de quatre ou cinq dans le monde : l’Île-de-France, New York, Los Angeles, Shanghai et Londres — même si cette der nière recule beaucoup depuis son départ de l’Union européenne. Il ne faut pas penser le Grand Paris, il faut penser Paris en grand. ◆
STÉPHANE MANEL
STÉPHANE MANEL
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