Paris vous aime Magazine Jan-Fév-Mars 2022
You draw everywhere. Has Paris become your open-air sketchbook? Yes, in the manner of Restif de La Bretonne in the 18 th century. How- ever, my creative gesture is more like a poem than a tag. My draw- ings are about sharing and empa- thy. Through them, I become an accomplice of the city, since I draw on its skin daily. The darkest streets where history lingers, where the visible and the invisible rub shoulders. I’m thinking of the Rues Saint-Roch, du Roule, and around Place de la Nation. My favourite remains Rue Saint-Honoré because this is where we meet many ghosts from history. It was used by the carts carrying people to the guillotine on the Place de la Concorde. David sketched a drawing of Marie-An- toinette being taken to the scaf- fold from his balcony at the inter- section of Rue du Roule and Rue Saint-Honoré. I opened my first boutique on Place du Marché Saint-Honoré. The City of Lights has changed over the past few years. What makes you most proud of today’s Paris? I am proud of the imprint of art on the city, the power of galleries, museums open to all audiences, the transformation of a building like the Musée de la Marine into a space bearing witness to Age of Enlightenment lifestyle. I am proud to be in residence at Centre Pompidou, the greatest of muse- ums, an ark of humanity in the colours of the rainbow. For me, it’s a foundational example of trans- versality. You belong to a generation that shattered the boundaries between fashion, the visual arts, and pop music. What would you say the effects have been, as you observe the scene today? As early as the 1970s, my primary Which places in Paris inspire you the most?
intuitionwas to break down the bar- riers between art, fashion, music, cinema, architecture, and design. Nothing, in my view, is inseparable, hence the desire to collaborate with the whole family of artists. I have never been afraid of preconceptions. Fifty years later, time has proven me right: we are in an absolutely cross-functional world; digital tech- nology has become my accomplice. Looking at your career, you have mostly dressed women. What is your definition of the Castelbajac woman? Colourful, intellectual, daring. From the start, I sought to offer fashion that empowers women, to make colourful clothes affirming their identity. Today, I’mmore about conveying sweetness and poetry. My drawings fly from the walls to land on my clothing designs. I’m thinking of the recent collection I designed for Sézane: shirts and trousers with faces, doves, words, or the one for Benetton, which will be available in February. You’re a jack-of-all-trades. How do you manage going from one world to another? I don’t really like the term ‘jack-of- all-trades’. As Jean Cocteau once said: “I get involvedwith everything because everything touches me!” Everything happens naturally. For fashion, I’ve never used mood boards. I do everything instinc- tively. You like to discover new talents, regardless of their field. I discovered Julien Granel, a 23-year-old musician, on social media, and asked him to compose the music for The People of Tomor- row . I interact with all generations. What is your message for the new generation? That they must forge their own per- sonality. I want to tell them: assert yourself, find your style! (1) Until May 9, 2022. Centre Pompidou. Place Georges-Pompidou, Paris 4th (01 44 78 12 33). 11 Rambuteau (2) Published by Flammarion
d’empathie. Au travers d’eux, je suis devenu complice de la ville puisque je dessine quotidienne- ment sur sa peau. Quels sont les endroits de Paris qui vous inspirent le plus? Les rues les plus sombres, celles où l’Histoire s’éternise, là où le visible et l’invisible se côtoient encore et où l’écho des pas d’an- tan est toujours présent. Je pense aux rues Saint-Roch, du Roule ou Saint-Honoré, mais aussi aux alentours de la place de la Nation. Ma préférée reste la rue Saint-Ho- noré car c’est là que l’on croise le plus de fantômes de l’Histoire. C’est aussi celle qu’empruntaient les charrettes des condamnés à la guillotine se rendant sur la place de la Concorde. C’est d’ailleurs au croisement de la rue du Roule et de la rue Saint-Honoré que d’un balcon, David a croqué le dessin de Marie-Antoinette conduite à l’échafaud. Et c’est place du Mar- ché Saint-Honoré que j’ai ouvert ma première boutique. dans le Paris d’aujourd’hui ? Je suis fier de l’empreinte de l’art sur la ville, de la force des gale- ries, de l’ouverture des musées à tous les publics, de la transforma- tion d’un édifice comme le Musée de la Marine en lieu de cristalli- sation de l’art de vivre au siècle des Lumières. Je suis fier d’être en résidence au Centre Pompidou, qui est à mes yeux le plus fort des musées puisqu’il est une arche d’humanité aux couleurs de l’arc- en-ciel. C’est un espace où trans- paraît la transversalité qui, pour moi, est fondatrice. Vous appartenez à une génération qui a fait éclater les frontières entre mode, arts visuels et musique pop. Quel bilan en tirez-vous aujourd’hui en observant la rue? Dès les années 1970, mon intuition La Ville lumière s’est métamorphosée au cours des dernières années. De quoi êtes-vous le plus fier
En juin 2016, Jean-Charles de Castelbajac a été invité par l’association Art Azoï à peindre le mur du square Karcher, rue des Pyrénées à Paris. In June 2016, Jean-Charles de Castelbajac was invited by Art Azoï to paint the wall at Square Karcher on rue des Pyrénées, Paris.
première était qu’il fallait décloi- sonner les disciplines. L’art, la mode, la musique, le cinéma, l’architecture, le design, tout me semblait fonctionner ensemble. Rien, selon moi, n’était disso- ciable, d’où ce désir de collabo- rer avec toute une famille d’ar- tistes. Je n’ai jamais eu peur des a priori, ni du regard des autres et des jugements. Cinquante ans plus tard, le temps m’a donné rai- son : nous sommes dans un monde absolument transversal, le numé- rique s’est fait mon complice. En regardant votre parcours, on constate que vous avez sutout habillé les femmes. Quelle est votre définition de la femme Castelbajac ? Colorée, intellectuelle, téméraire. Dès le début, j’ai voulu propo- ser une mode qui donne du pou- voir aux femmes, une démarche chevaleresque, confectionner des vêtements hauts en cou- leur qui affirment leur identité. Aujourd’hui, je suis plutôt dans une cristallisation de la douceur et de la poésie. Mes dessins se sont envolés des murs pour se poser sur mes créations vestimentaires. Je pense à la collection que j’ai réalisée pour Sézane récemment, des chemises, tee-shirts, panta- lons où s’affichent des visages, des colombes, des mots, etc. Mais
aussi à celle pour Benetton qui sortira en février.
Qu’ils forgent leur propre person- nalité. J’ai envie de leur dire : affir- mez-vous, trouvez votre style ! (1) Jusqu’au 9 mai 2022. Centre Pompidou. Place Georges-Pompidou, Paris 4e (01 44 78 12 33). 11 Rambuteau (2) Publié aux éditions Flammarion.
Vous êtes un touche-à-tout. Comment réussissez-vous à passer d’un univers à l’autre ? Je n’aime pas trop ce terme de «touche-à-tout». Comme répondait Jean Cocteau quand on le désignait ainsi : « Je suis un touche-à-tout parce que tout me touche ! » Tout s’imbrique et se réalise naturelle- ment. Pour la mode, je n’ai jamais eu de planche d’inspiration (mood board). Je fais tout instinctivement. Vous aimez découvrir de nouveaux talents, quel que soit leur domaine. J’ai toujours été curieux. Venant d’une famille traditionnelle, j’ai plongé dans la culture under- ground avec beaucoup de facilité et la curiosité a toujours été mon moteur. Encore aujourd’hui, je suis attentif à aller vers les autres. J’ai ainsi découvert Julien Granel sur les réseaux sociaux, un musi- cien de 23 ans à qui j’ai proposé de composer la musique de mon exposition Le Peuple de demain , destinée à éveiller la sensibilité artistique des enfants. Je dialogue avec toutes les générations. Justement, quel message souhaitez-vous adresser à la nouvelle génération?
Les plus beaux dessins de Jean-Charles de Castelbajac réunis dans un ouvrage. Jean-Charles de Castelbajac’s most beautiful drawings brought together in a book.
Jean-Charles de Castelbajac en quatre dates / in four dates : 1971 : première collection d’antimode en matière détournée. First ‘anti- fashion’ collection. 1987: rencontre avec le gra teur Keith Haring et déclic du street art. Meets gra ti artist Keith Haring and discovers street art. 1997: le pape, 500 évêques, 5000 prêtres et un million de jeunes habillés par Jean-Charles de Castelbajac aux couleurs de l’arc-en-ciel pour les JMJ. The Pope, 500 bishops, 5,000 priests, and a million young people dressed by Jean-Charles de Castelbajac in the colours of the rainbow for World Youth Day. 2019: création des nouvelles tenues des agents d’accueil et du personnel médical du Groupe ADP. Designs new outfits for Groupe ADP’s reception agents and medical sta .
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