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D u haut de ses 16 ans, Greta Thunberg n’a pas vraiment l’attirail d’une héroïne : à la place d’une cape, ce sont des nattes qu’elle porte sur ses épaules. Pourtant, le 23 septembre dernier, à l’Onu, la lycéenne sué- doise a lancé aux diri- geants du monde une phrase qui restera dans les livres d’histoire : « Vous m’avez volé mon enfance! Comment osez-vous? » Greta ne fait pas l’unanimité, mais ellemène un combat face à quelque chose de plus grand qu’elle : est-ce là ce qui fait l’étoffe d’un héros? Inspiré du grec, ce mot signifie « demi-dieu » : à l’image de Thé- sée, fils d’Égée, qui a vaincu le Minotaure. Grecques, romaines, celtiques, les légendes regorgent de personnages prodigieux. Mais le mot « héros » convoque aussi l’image d’un corps musclé vêtu d’un costume bariolé. Quant aux superhéros, de Superman à Captain America, ce sont leurs superpouvoirs qui font vibrer des millions de personnes. Au- jourd’hui, le héros prend un sens plus humain. Nul besoin d’être doté d’une force extraordinaire, il s’agit avant tout d’incarner des valeurs qui fédèrent : courage, empathie, sens aigu de la justice, altruisme exacerbé qui peut mener au sa- crifice. L’exploit des héros est de faire entrer l’extraordinaire dans notre quotidien. DES MACHINES À RÊVES Souvenez-vous, lorsque, enfant, vous rêviez de marcher sur la Lune, de sauver des vies, d’arrêter les méchants… Le spationaute Thomas Pesquet reconnaît avoir grandi fasciné par les missions Apollo. Des années plus tard, il sera sélectionné pour être l’hôte de la Station spatiale internationale. Dans sa combinaison blanche, il a franchi la couche d’ozone et atteint la gloire, se classant par- mi les personnalités préférées des Français. Il a même eu droit à un documentaire sur sa vie,

S ixteen-year-old Greta Thunberg, whose shoul- ders are adorned by braids instead of a cloak, is not your classic hero- ine. But on September 23, 2019, the Swedish high school student’s voice rang loud and clear in her address to world leaders at theUnitedNations: “You have stolen my dreams and my childhood! How dare you?” Greta may not be unanimously appreci- ated, but she’s certainly fighting something much bigger than she is. Is this the stuff of heroes? Our word is derived fromtheGreek for “demigod,” in the image of Theseus, who defeated theMino- taur. Greek, Roman, and Celtic legends aboundwith fearless char- acters. But the term “hero” also conjures images ofmuscular bod- ies in colourful costumes. Super- heroes fromSuperman toCaptain America enthrall withdaring capers. On a more modest scale, our real- life heroes don’t require superhu- man capabilities but instead embody the universal values of courage, empathy, justice, and selflessness. They bring the extraordinary into our ordinary lives. DREAM MACHINES As children we dreamed of walk- ing on themoon, saving lives, beat- ing the bad guys. Likemany of us, astronaut Thomas Pesquet was fascinated by the Apollo missions as a kid. He grew up to fulfill his dream aboard the International Space Station, and in the course of doing his job became one of France’s favourite celebrities as well as the subject of a documen- tary titled The Makings of a Hero . Also on the job, the 400 fire fight- ers who stormed Notre Dame ca- thedral during the fire of April 15, 2019 were called the “heroes of Notre-Dame” by Paris Match magazine. Was it all in the line of duty? Sociologist DavidLe Breton, the author of Sociologie du Risque (“The Sociology of Risk,” Editions PUF) points out the ambivalence

7 000 personnages figurent dans le catalogue de l’univers Marvel. Et près de 215 apparaissent dans les 21 films réalisés par la franchise. characters appear in Marvel’s universe, 215 of which appear in the 21 films created by the franchise. Source: lesechos.fr, 2019.

sobrement intitulé L’Étoffe d’un héros. Pourtant, n’a-t-il pas fait « que » son métier ? De même pour les 400 pompiers à l’assaut du feu qui a ravagé Notre-Dame de Paris dans la nuit du 15 avril dernier. Peut-on les considérer comme « les héros de Notre- Dame » parce qu’ils ont « sauvé la cathédrale », comme titrait, en une, Paris Match ? David Le Breton, sociologue, souligne l’am- bivalence de nos représentations. « D’un point de vue médiatique, lors de cet incendie, il y a eu une focalisation sur des hommes qui ont fait leur travail. Seulement, celui-ci consiste en une prise de risque telle qu’elle renforce la va- leur de leurs actes. Ils se sont mis en danger sans bénéfice personnel : leur travail est entièrement tourné vers les autres », analyse l’auteur de Sociologie du risque (PUF). Certes, ils ont fait leur travail. ▲

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74 - PARIS WORLDWIDE NOVEMBRE / DÉCEMBRE NOVEMBER / DECEMBER

2019

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