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La fabrique des farines The flour factory

semées, récoltées et moulues » , justifie-t-il. Philippe Guichard en sait quelque chose. Ce paysan-meunier du Lot-et-Garonne est de plus en plus sollicité par ceux qu’il appelle poétiquement les « ambassadeurs du pain » . Seul hic : ses 35 tonnes annuelles de farines de blés anciens sont loinde suffire à la demande croissante des boulangers, restaurateurs et même des particu- liers qui ne digèrent plus le gluten. « Après la Seconde Guerre mondiale, les géants de l’agroalimentaire ont opéré une sélection génétique pour obtenir du gluten plus solide, qui se dégrade moins facilement et résiste au travail industriel de la pâte. On s’est donc retrouvé avec des blés de moins enmoins digestes » , indique-t- il. Chez les néoboulangers, cette difficulté ne se pose guère puisqu’ils utilisent des farines très peu voire non raffinées au petit gluten ! Pas question donc de suppri- mer cette colle naturelle qui confère à la pâte son élas- ticité, l’aide à lever et lui donne sa texturemoelleuse si appréciée. Et comme si cela ne suffisait pas, de plus en plus d’artisans intègrent dans leurs recettes du levain naturel (un mélange de farine et d’eau qui prédigère le gluten), rendant ainsi le pain beaucoup plus digeste. JulienCantenot et François Brault ne jurent, eux, que par ce ferment au petit goût acidulé. Bienqu’il se revendique de lamêmemouvance, Chris- tophe Vasseur ne partage pas la passion de ses homo- logues pour le levain. « Sa puissance aromatique lisse toutes les subtilités de la céréale. C’est particulièrement dommage quand on travaille des farines nobles na- ▲

Chez les Matignon, on est meunier de père en fils. Installé au cœur du Gâtinais, le moulin familial travaille essentiellement des blés locaux mais, il y a cinq ans, Gilles a ajouté à son catalogue des variétés anciennes. «Je voulais moudre des graines que mon grand-père avait connues» , justifie-t-il. Ses clients se comptent cependant sur les doigts d’une main : Atelier P1, Chardon, Dupain, Le Petit Grain et Solques. «Certains artisans affichent “blés anciens” mais c’est du marketing, d’autres militent pour que nous les fournissions en variétés anciennes mais exigent que ces farines se travaillent aussi facilement que du blé moderne» , déplore-t-il. In the Matignon family, the milling craft has been passed from father to son. The family mill, set in the Gâtinais, mainly processes local wheat, but five years ago, Gilles added heirloom varieties to their catalog. “I wanted to grind the cereals my grandfather had known,” he says. His only clients are Atelier P1, Chardon, Dupain, Le Petit Grain, and Solques. “Some artisans advertise heirloomwheat only for marketing purposes, while others want heirloom varieties which are as simple to use as modern wheat,” he laments.

Moulin artisanal Gilles Matignon : http://farines-77.fr/

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2019

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