Paris-vous-aime-magazine-Janvier-Février-Mars-2025
PARIS EN GRAND
Les restaurateurs de Deyrolle travaillent avec minutie, pince à épiler en main, dans les ateliers du cabinet de curiosités. Deyrolle’s restorers work meticulously in the workshops of the cabinet of curiosities.
« C’est un travail minutieux, quasi méditatif. Chaque plume est nettoyée, repositionnée, parfois même retouchée pour retrouver ses nuances naturelles », précise Thomas. Cette attention au détail est partagée par toute une équipe de res taurateurs hauts en couleur. Ameline, une autre taxidermiste qui a fait des études en arts graphiques, se consacre aux papillons. Sur sa table de travail repose un morpho, ce spécimen tropical dont les ailes bleues semblent vibrer même lorsqu’il est immobile. « Pour lui rendre tout son éclat, il faut comprendre comment la lumière joue sur ses ailes et parvenir à restituer cet effet. » À ses côtés, Morgane, aux bras tatoués d’animaux, s’occupe d’un renard argenté. Son objec tif : reproduire fidèlement le mouvement et l’attitude de l’animal, pour que, même dans sa posture figée, celui-ci semble encore sur le point de bondir. « La taxidermie, c’est une question de technique, mais c’est aussi l’art de capturer un instant de vie ! » Avec le temps, tous apprennent à connaître les familles, les espèces et les sous- espèces. Et Ameline d’ajouter : « Ces animaux ne sont pas des objets, nous devons en prendre soin. Grâce à eux, on devient plus attentif au vivant qui nous entoure ». AU SERVICE DE L’INTÉRÊT GÉNÉRAL Chaque réalisation est marquée par le profond respect qui guide le travail de Deyrolle. Car, contrairement à certaines idées reçues, les animaux naturalisés dans ces ateliers ne proviennent pas de la chasse. Ils sont issus de partenariats avec des élevages ou des parcs animaliers, et leur collecte respecte les strictes règles de la conven tion de Washington sur la protection des espèces menacées. Quant aux insectes, ils sont prélevés directement dans la nature par des populations locales, en harmonie avec les saisons, et chaque spécimen est soigneusement tracé. Louis Albert de Broglie, pro priétaire de Deyrolle depuis 2001, insiste sur cette dimension éthique : « Nous célébrons la nature pour mieux la préserver. Nos pièces ne sont pas des trophées, mais de véritables ambassa deurs du vivant. Nous sommes une institution moderne, au service de l’intérêt général ». Sous la direction de ce passionné de rivières et de randonnée, la maison diversifie en effet ses activités en accom pagnant différentes entreprises et organismes dans leur transition écologique, notamment à travers l’initiative Deyrolle Territoires. Parmi ses dernières contributions : la conception du jardin nourri cier de l’Unesco, à Paris, ainsi que la réflexion autour du volet ani mation et éducation du projet de ferme de la Villette. Et Deyrolle continue bien sûr de produire de nouvelles planches éducatives, abordant des thèmes contemporains comme le change ment climatique, les espèces en danger ou les gestes responsables.
objects displayed in showcases and drawers. You can admire them as if they were exhibits in a museum or purchase them in the shop—anything from a small insect costing €10 to a diorama of exotic birds from the time of Napoleon III that sells somewhere in the six figures! CONSERVING SPECIES The practice of combining science and art has a long history. The scientific expeditions of the 18th and 19th centuries included naturalists, doctors, and illustrators tasked with drawing “terrae incognitae” and the new species they encountered. “ Deyrolle was set up to help preserve these species through taxidermy, entomology and herbariums. From 1872, under the direction of the founder’s grandson, Émile Deyrolle, around a hundred catalogues and more than a thousand educational posters were published, making it possible to disseminate this knowledge to 120 countries ”, explained Campa. Fixtures on the walls of every French school, these educational posters covered the natural sciences (zoology, botany, geology), medicine and public health. Reproductions are on display here, while the originals can be seen in the downstairs store rooms. The mezzanine, its narrow corridors littered with cardboard boxes, files and yellowing paper, is the domain of Margaux de Schutteaere, a graduate of the Ecole de Condé, in charge of inventorying, classifying and restoring Deyrolle’s historical heri tage. “ Antique educational paintings, catalogues, thousands of microscope slides, photographic glass plates and much more ”, she said. This col lection, worthy of a museum and a treasure trove of knowledge, will soon be housed in a special basement to preserve it under the best possible conditions. A TEAM OF ORIGINAL EXPERTS De Schuttelaere, who wrote his thesis on the posters of Deyrolle, is also a beetle collector. The talented staff working in this unique place have many other skills, such as restoring peacock eyes, refeathering parakeets, cleaning silver foxes, mounting butter flies and beetles and preparing artistic composi tions. Each works meticulously, tweezers in hand, in one of Deyrolle’s tiny workshops. Most of them have always been interested in the natural world. Morgane, whose arms are tattooed with animals, or Thomas, who collects stones and bones. They all know how to tell a plum fly from a lucanus, a common morpho from a rare butterfly, or how to edify customers about bullet ants. “ Over time, you learn about families, species and subspecies. We have to take care of these animals, which are more than just objects. They help us become more aware of the living world around us ”, said Ameline, who studied graphic design. Louis Albert de Broglie, the
current owner of Deyrolle, emphasised its educa tional role when he bought the company in 2001: “ Deyrolle has always had a universal appeal, offe ring insights into the natural world to help us better understand and preserve it. We now have the legi timacy to be leaders in meeting the challenges that will help us restore our relationship with nature. ” Under his leadership, the flagship boutique has un dergone changes, including new wooden furniture based on the original models destroyed by fire in 2008. Around 150 new educational posters on topics as diverse as endangered species, healthy eating, nature in the city and responsible behaviour have also been published and were used as official docu ments for COP 21 in Paris in 2015. SERVING THE PUBLIC INTEREST Today, Deyrolle also supports businesses in their ecological transition, provides training and has forged partnerships with private brands, natural history museums and prestigious universities. “ We are a modern institution serving the public interest ”, said De Broglie, who has also transfor med his Château de la Bourdaisière in the Indre et-Loire into a centre for biodiversity conservation and experimentation. De Broglie is also keen to point out that the taxidermied animals on display at Deyrolle are not the victims of hunting. They originate from partnerships with animal farms and parks in accordance with the Washington Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora. Protected species also have a passport that allows them to be traced. And when they are not bred, the insects are collec ted directly from the wild by local people in har mony with the seasons. “ Our network of entomolo gists and taxidermists provide us with specimens when the opportunity arises. When we receive special requests, it can sometimes take up to ten years to fulfil them ”, explains Campa. A SOURCE OF INSPIRATION The rare and colourful wonders of Deyrolle have also fascinated artists: Surrealists André Breton and Salvador Dali, film directors, including Wes Anderson and Guillermo del Toro, have filmed here. Fashion designers, actors and industrial designers have also sought inspiration here. Over the decades, the boutique’s exhibitions have helped maintain a close connection with the arts. This year, a major Hollywood star – whose identity is being kept secret – will present works based on repurposed vintage educational posters. ◆
Certaines ont même servi de documents officiels dans le cadre de la COP 21, qui s’est tenue à Paris en 2015. Quant aux anciennes planches, elles sont précieusement conservées dans les réserves de la rue du Bac. Cet entresol aux couloirs étroits jonchés de cartons, de dossiers et de feuilles jaunies, c’est le domaine de Margaux de Schuttelaere. Diplômée de l’école de Condé et collection neuse de coléoptères, celle-ci est en charge d’inventorier, de classer et de restaurer le patrimoine historique de Deyrolle. « Des tableaux pédagogiques anciens, des catalogues, des milliers de lamelles de microscopes, de plaques de verre photographiques… » Trésor de connaissances, ce fonds digne d’un musée trouvera bientôt sa place dans un sous-sol spécialement aménagé, permettant sa conserva tion dans des conditions optimales. UNE SOURCE D’INSPIRATION Enfin, Deyrolle est depuis toujours une source d’inspiration pour les créateurs. Des surréalistes comme André Breton et Salvador Dalí, qui y avaient leurs entrées, de grandes figures de la mode (Paul Poiret, Iris van Herpen) et du spectacle (Sarah Bernhardt), ou encore des cinéastes tels que Wes Anderson ou Woody Allen, qui ont tour né dans la boutique ou chiné parmi ses merveilles pour agrémen ter leurs décors. Aujourd’hui encore, des artistes contemporains viennent y puiser des idées ou y exposer leurs œuvres, avec pour fil rouge le lien étroit entre l’homme et la biodiversité. De quoi prolon ger la vocation originelle de Jean-Baptiste Deyrolle: comprendre le vivant, pour mieux le préserver. ◆ 46, rue du Bac, Paris 7 e (01 42 22 30 07). 12 Rue du Bac
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