Paris vous aime magazine Janvier-Fevrier-Mars 2023

DERNIER OBSTACLE PARENTAL, L’INVESTISSEMENT À L’ÉGALITÉ SALARIALE

L’écart de salaire entre femmes et hommes s’explique avant tout par l’injonction à la disponibilité, qui force les femmes à faire un choix entre carrière et famille.

PARENTAL INVESTMENT: AN OBSTACLE TO EQUAL PAY The gender pay gap is largely due to a growing insistence that women should be 100% on the job, which forces mothers to choose between family and career.

En collaboration avec Phébé, la veille d’idées internationale par Le Point

Mathilde Berger-Perrin, féministe libérale Boris Séméniako

Ê tre sur répondeur » pour les enfants est le rempart le plus coriace à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes selon Claudia Goldin, professeure d’économie à Harvard. Pour maintenir le niveau de vie espéré par un couple engagé dans des carrières modernes, l’un doit être disponible pour le client, l’autre pour les enfants. Sans surprise, maman répond au second appel. Le livre Career & Family: Women’s Century-Long Journey Toward Equity retrace la difficile combinai son entre la carrière et la famille chez les Américaines diplômées à l’université, de 1900 à nos jours. Beaucoup de chemin a été parcouru, pour qu’un choix autrefois binaire soit aujourd’hui un compromis : les femmes peuvent avoir des carrières

B eing ‘on call’ while caring for children is the tough est obstacle to overcom ing the gender pay gap”, says Harvard economics professor Claudia Goldin. For couples with modern careers to maintain a decent standard of living, one par ent must be available for work, the other for the kids. Unsurpris ingly, moms tend to get tasked with the latter. Goldin’s book, Career & Family: Women’s Cen tury-Long Journey Toward Equity traces the difficulties American college-educated women have faced in attempting to juggle both work and family from 1900 to the present day. This once binary choice has become more a matter of compromise: nowadays women can have both a career and a fam ily, but the price is high. Goldin

l’évolution des professions et la prise en charge de la petite enfance. Ce livre retrace le comportement des femmes diplômées aux États Unis à travers cinq groupes com parables à quelques années près à l’évolution française : 1. La carrière ou la famille (diplô mées entre 1900 et 1920) 2. Des emplois puis une famille (diplômées entre 1920 et 1945) 3. Une famille puis un travail (diplô mées entre 1946 et 1965) 4. Une carrière puis une famille (diplômées dans les années 1960) 5. Une carrière et une famille (diplô mées depuis les années 1980) Dans le groupe 1, le choix entre la carrière et la famille était inévi table. Presque un tiers des femmes de ce groupe n’ont pas été mariées, et 70 % l’ont été tard dans leur vie. Il existait des interdictions de

notes that women are disadvan taged by “greedy” jobs, those that offer higher salaries but penalise career interruptions. Careers in general have become more intensive, and achieving a balance between work and fam ily has never been so complicated, as we saw during the pandemic. Mothers who were also essential workers could not be in two places at once. The current trade-off is between a high salary and career flexibility. While the gender wage gap has narrowed in many profes sions, in most families at least one parent must mind the children. Most of the time, that burden falls on women. For those who still believe that women tend to make less lucra tive career choices, Goldin retorts that wage inequalities per

À ceux qui pensent que les orienta tions moins lucratives des femmes sont en cause, Goldin répond que les inégalités salariales persistent, même si c’est dans une faible pro portion, au sein des professions. À ceux qui encouragent au coaching des femmes pour mieux négocier les salaires, ou à la dénonciation des biais patriarcaux des manageurs, les chiffres semblent indiquer que ces pratiques ne régleraient qu’une infime partie du problème. Partage du temps L’accès au marché du travail est désormais acquis pour les mères. En 2020, s’annonce une nouvelle bonne et mauvaise à la fois : la réduction des inégalités n’est plus entre les mains des femmes. Ce qui doit changer, c’est le partage du fardeau familial au sein du couple,

et une famille, mais à un prix encore trop élevé. Chiffres à l’appui, Goldin constate que les femmes sont défa vorisées par les emplois « cupides », qui rémunèrent mieux le temps de travail et pénalisent les interrup tions de carrière. De manière générale, les carrières se sont intensifiées. L’équilibre n’a jamais été aussi complexe à trou ver pour les femmes entre travail et famille, comme l’a souligné le Covid : lesmères ne peuvent pas être des travailleurs essentiels à deux endroits en même temps. Le com promis se joue aujourd’hui entre un salaire élevé et la flexibilité au sein de la carrière. Entre les professions, l’écart de salaire s’est réduit, mais dans un couple, au moins un des deux parents doit pouvoir être à dis position pour les enfants. Ce prix est encore surtout payé par les mères.

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