Paris vous aime magazine Octobre-Novembre-Décembre 2025
« L’île de la Cité est loin d’être le berceau de Paris » “Île de la Cité is far from being the cradle of Paris”
Quant aux hommes préhistoriques, ils étaient surtout vers Levallois-Perret, où l’on a trouvé beaucoup de sites paléo lithiques. Rien à voir avec nos représentations d’homme moderne qui pense que Paris, ce sont les 1 er , 2 e , 3 e et 4 e arrondissements ! L’archéologie prouve que c’est une histoire beaucoup plus complexe. Que trouve-t-on quand on fouille à Paris? Plein de choses ! Des ex-voto dans la Seine, des outils, des puits, des fosses et des trous qui permettent aux archéologues de lire les sols. Personnellement, ce sont les sépultures – et, plus particulièrement, les objets que les proches glissent dans les tombes des défunts – qui me fascinent. Je m’intéresse aussi beaucoup aux objets du quotidien que l’on continue d’utiliser en 2025. Autour des thermes de l’île de la Cité, on a trouvé des pinces à épiler, qui nous permettent de mieux imaginer la vie de nos ancêtres quand ils allaient aux bains. À l’époque, elles étaient en fer ; aujourd’hui, elles sont en acier. Preuve que les techniques évoluent, mais que les comportements humains restent les mêmes. On imagine nos ancêtres différents de nous, mais non ! C’est fascinant de voir à quel point nous ne bougeons pas. Est-ce fascinant ou inquiétant? C’est plutôt rassurant, cela permet de relativiser les époques et ce sentiment constant que le monde court toujours à sa perte. Pour un citoyen de Lutèce du IV e siècle qui a vu sa ville se fortifier et les invasions germaniques déferler sur lui, c’était déjà la fin du monde ! Quelles fouilles vous ont le plus émue? Celles auxquelles j’ai participé en 2002, à Bobigny, quand nous avons découvert des fermes gauloises près de l’hôpital Avicenne. On y a mis au jour beaucoup de trous de poteaux (vestiges des huttes en bois) et d’objets que l’on peut voir au musée de Saint-Denis. Mais cette opération m’a surtout marquée d’un point de vue humain. On faisait des visites de chantier, on accueillait des écoles… C’était fou ! Dans Paris, associer les habitants se révèle beaucoup plus difficile, parce qu’on ne peut jamais ouvrir les chantiers sur des hectares. La fenêtre d’intervention est toujours étroite et profonde : on travaille beaucoup dans les caves et les sous-sols. Et les aménagements urbains ont rarement lieu dans des endroits calmes. Il y a aussi plus de difficultés logistiques qu’ailleurs, car la préfecture exige que les gravats soient évacués quo tidiennement. Et ce sera encore plus contraignant avec les fouilles sur l’île de la Cité : là, on devra les enlever chaque jour, avant 16 heures ! Ces fouilles doivent durer un an. Qu’en espérez-vous? Elles permettront, je l’espère, de répondre à cette question centrale : existait- il une église primitive avant Notre-Dame ? C’est triste qu’il ait fallu un événement tragique comme l’in cendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, pour qu’on les lance. Mais imaginez : entre le service archéologique de la ville et l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives, NDLR), 40 personnes seront mobilisées ponctuellement… On parle déjà de fouilles du siècle ! ◆
was confined to its central arrondissements, and proves that the city’s archaeological history is far more extensive and complex than previously thought. What might you find if you dug around in Paris? Lots of things! Lead weights, votive offerings in the Seine, tools, wells, pits and holes that permit archaeologists to read the soil. I’m particularly fascinated by graves, and the objects that loved ones placed in the tombs of the deceased, as well as everyday objects that we still use in 2025. For example, near the thermal baths on the Île de la Cité, we found a pair of iron tweezers. Objects like this offer valuable insights into the lives of our ancestors. Although techniques and materials evolve, human behaviour remains much the same. We wrongly assume our ancestors were vastly different from us. It’s fascinating to see in fact how little we have changed. Is that fascinating or disturbing? It’s rather reassuring, as it puts the different eras into perspec tive. A resident of 4th-century Lutetia who witnessed Germanic invaders besieging the city would no doubt have felt the end of the world was near! Which excavations did you find most exciting? The archaeological digs I participated in at Bobigny in 2002, where we unearthed Gallic farms near the Avicenne hospital. We found the remains of many wooden huts and artefacts, now on display at the Musée de Saint-Denis. We organised site visits and welcomed local schoolchildren. Urban develop ment in the city rarely happens in quiet areas, adding to the logistical complication. For instance, the prefecture requires us to remove all rubble daily. When the excavations on the Île de la Cité begin in October, we’ll be subject to an even stricter deadline of 4 pm for removing rubble. It will provide an opportunity to determine whether a primitive church stood on the site before Notre-Dame was built. Sadly, they were prompted by the tragic fire at Notre-Dame Cathedral in Paris. The city’s archaeological department and the INRAP (National Institute for Preventive Archaeological Research) will deploy up to 40 people at any given time. Some are already calling it the excavation of the century! ◆ With excavations set to continue for almost a year, what do you hope to uncover?
OCTOBRE - NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2025 - PARIS VOUS AIME / 135
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