Paris vous aime magazine Octobre-Novembre-Décembre 2025
IDÉES
baron Haussmann, des milliers d’ouvriers sont venus de toute la France œuvrer à la capitale : ce sont autant de bouches à nourrir. Le succès est immédiat. L’ANCÊTRE DE LA RESTAURATION RAPIDE Duval ouvre alors d’autres points de vente dans la capitale, parmi lesquels, en 1855, un fastueux établissement à l’architecture de fer et de fonte aménagé dans un immense hall de 800 m 2 au 6, rue Montesquieu (Paris 1 er ), non loin du Louvre. L’édifice, qui peut accueillir jusqu’à 500 personnes, assure un service en continu effectué par des serveuses reconnaissables à leur robe noire, leur tablier blanc et leur bonnet de tulle. Ces dernières, appelées les « petites bonnes », symboliseront les bouillons Duval, et seront aussi bien dessinées par des artistes comme Auguste Renoir qu’évoquées par des écrivains comme Joris-Karl Huysmans. Une nouvelle clientèle, attirée par le bon rapport qualité-prix, la flexibilité des horaires et les prix fixes, apparaît. Elle est consti tuée des classes moyennes et de la petite bourgeoisie. Le choix des mets se développe au fil du temps : on peut ainsi commander du pot-au-feu, du bœuf bourguignon, du veau rôti, mais aussi des huîtres, de la volaille ou du poisson. Ces endroits – qui prennent le nom de « bouillons » – sont des lieux très propres, des symboles de la modernité. Ils vont rapi dement devenir un concept de restaurant à part entière avec une cuisine simple, faite de produits de qualité. Ils sont considérés comme faisant partie des précurseurs de la restauration rapide. UN NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE La réussite économique des bouillons Duval est principale ment due à leur modèle de gestion des stocks. Ils fonctionnent comme une chaîne de restauration et appliquent des économies d’échelle grâce à leurs propres méthodes d’approvisionnement, leur production de pain, leurs boucheries, etc. En 1867, Duval crée la « Compagnie anonyme des établissements Duval » avec 9 succursales. En 1878, il y en aura 16, puis des dizaines dans la capitale à la fin du XIX e siècle. Le succès des bouillons Duval fait des émules. Mais si la capitale en dénombre environ 400 en 1900, ils englobent en réalité une variété d’établissements hétéroclites aux fonctionnements dif férents, allant de la simple marchande ambulante aux bouillons s’inscrivant dans la lignée de Duval – comme les établissements Boulant ou Chartier. Ce dernier, encore en activité aujourd’hui, a ouvert ses portes en 1896 sur les Grands Boulevards. Son immense salle aux boiseries sculptées et ses magnifiques lustres, de style Art nouveau, sont classés monuments historiques. Il n’a jamais fermé ses portes ni changé de nom et, contrairement à tous les autres, a traversé le temps et les modes sans aucune interruption, même si son taux de fréquentation a pu connaître des fluctuations. Concept de restaurant populaire, le bouillon s’est ainsi transformé en une institution incontournable du paysage parisien. Son succès a ensuite perduré jusqu’à l’entre-deux-guerres avant de tomber en désuétude. En effet, dans la France des Trente Glorieuses (1945-1975), le bouillon semble dépassé, ringard, et les clients lui préfèrent par exemple les brasseries qu’ils trouvent plus « haut de gamme » et modernes. On assiste aussi au développement des fast-foods (à partir des années 1960, NDLR).
working at the bustling central market of Les
Halles, located nearby.
THE FORERUNNER OF FAST FOOD Following his success, Duval opened more restaurants in Paris, including a lavish 800-square-meter dining room at 6 Rue Montesquieu near the Louvre, in 1855. Notable for its cast-iron architecture, this spacious restaurant could serve up to 500 diners. Called “petites bonnes” (little maids), waitresses in neat black dresses with white aprons and tulle caps provided non-stop service and became a symbol of Duval’s bouillons, featured in works by such artists and writers as Auguste Renoir and Joris-Karl Huysmans. With their fixed prices, good value and flexible opening hours, bouillons attracted a new middle-class clientele. Over time, the menu grew to include such French classics as pot-au-feu, boeuf bourguignon and roast veal, as well as oysters, poultry and fish. Bouillons were a symbol of Parisian modernity. Clean, efficient and serving straightforward, quality cuisine, they quickly became a unique dining concept– and one of the earliest forms of fast food. A NEW ECONOMIC MODEL The economic success of the Duval bouillons was largely due to their inventory management model. Much like contemporary restaurant conglomerates, they controlled their own supply chain, including in-house bread pro duction, which leveraged economies of scale. In 1867, Duval had nine outposts and by 1878 this number had doubled to 16. By the end of the 19th century, dozens of bouillons had opened across the capital. Duval’s business success inspired many imitations. By 1900, around 400 establishments following his model had opened in the capital, ranging from street vendors to expansive bouillons such as Boulant and Chartier, who followed in Duval’s footsteps. The famous Bouillon Chartier opened on the Grands Boulevards in 1896 and is still in business today. Its massive dining room – complete with the original wood panelling, massive mirrors and magnificent Art Nouveau chandeliers – is now a listed historic monu ment. Over the course of a few decades, the bouillon became a fixture on the Parisian dining landscape. But its popularity waned after the Second World War, when diners regarded these stalwarts as old-fashioned, favouring the more “upmarket” brasserie instead. From the 1960s onward, cheap and impersonal fast food chains quickly outpaced the more traditional bouillon. THE GRAND RETURN OF THE BOUILLON The unique concept and old-world charm of the tra ditional bouillon never truly disappeared, but in 2017 the bouillon began a second life. Bouillon Pigalle in the 18th arrondissement, opened by the Moussié bro thers, with a menu of reasonably priced French comfort
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