Paris vous aime magazine Octobre-Novembre-Décembre 2022

LUXE : LE TEMPS DES ARTISANS

greater demand, as beautiful handmade things are now all the rage. “I also believe the Covid crisis has changed mentalities, with people now finding the pleasure in doing things on their own”, says Roux. Art and innovation Traditional expertise is responding to the needs of today and to the challenges of the future. Guardians of

« L’ère des importations de produits à bas coûts a freiné l’activité des métiers d’art » , constate Nicole Roux, prési- dente de la Confédération française des métiers d’art. Aus- si, longtemps dévalorisés au profit des professions univer- sitaires, certains métiers manuels font à présent face à des pénuries. Mais si de rares savoir-faire sont en voie de dispa- rition, Nicole Roux est loin d’être pessimiste quant au sort de son secteur. Grâce à une mobilisation sans précédent de

la part des acteurs privés et publics, la transmis- sion est encouragée. La formation par l’appren- tissage est facilitée par des aides gouvernemen- tales. De leur côté, lesmaisons de luxe ont à cœur de soutenir leur écosystème et s’engagent aussi pour séduire et former la nouvelle génération. De 2002 à 2021, Cartier, VanCleef &Arpels, LVMHet enfin Hermès ont ouvert des écoles pour former des artisans. Aujourd’hui, la tendance s’inverse. En 2021, selon le baromètre ISM-MAAF, un en-

the materials they both transform and repair, craftspeople have an important role to play in the ecological transition: for example byusing leather scraps to make items for Hermès’ Petit H workshop, upcy- cling for Marine Serre and repairing leather goods for luxury houses. Sustaina- ble creative professions such as these depend on hand crafting. “If everyone pro- duced with their own two hands, we

La demande augmente, le goût de l’époque est aux belles choses _ There’s greater demand, as beautiful things are now all the rage

trepreneur sur quatre crée son entreprise dans l’artisanat, un chiffre en hausse de 13 % par rapport à 2019. C’est le cas de Lucas Lauer, qui s’est lancé à son compte en 2021 en tant que fleuriste indépendant au terme d’une reconversion professionnelle entamée en 2019. Depuis lors, il fleurit des événements privés, anime des ateliers ou compose pour des boutiques, comme celle du pâtissier Cédric Grolet avenue de l’Opéra. La demande augmente, le goût de l’époque est aux belles choses. À la télévision comme dans les loisirs des foyers, le fait main a le vent en poupe. « Je crois aussi que la crise du Covid a changé les mentalités, analyse Ni- cole Roux. Les gens se retrouvent dans le plaisir de faire soi-même. » L’art et la manière d’innover Si les savoir-faire d’hier répondent aux questionnements d’aujourd’hui, ils ont également toute leur place dans les enjeux de demain. Gardien de la matière qu’il sublime, mais aussi soigne et répare, l’artisan a un rôle de pre- mier plan à jouer dans la transition écologique. Créer à partir de chutes de cuir pour l’atelier Petit H d’Hermès, revaloriser grâce à l’impression au cadre pour la créatrice Marine Serre, réparer pour les services de maroquinerie des maisons de luxe, etc. Des pratiques aussi durables que créatives qui reposent sur la main de l’homme. « Si cha- cun produit avec ses deux propres mains, on ne peut pas détruire la planète », résume Cécile Feilchenfeldt, artisan de la maille et prix 2019 de la création de la Ville de Paris. Dans son atelier, elle réalise des commandes pour les grands couturiers. Son rôle est aussi de prendre part au processus de création, en leur soumettant le fruit de ses recherches personnelles. Eux se nourrissent de cette maestria et de cette liberté créative. « Nous sommes comme des abeilles, on passe par toutes les fleurs pour polliniser » , illustre-t-elle. En toute discrétion, les métiers d’art œuvrent pour l’avenir. Paillettes en algue, tricot de byssus (soie marine développée par Hors-Studio), mailles qui créent du volume sans déchets, autant de propositions qu’explore Cécile Feilchenfeldt, et qui composeront peut- être les garde-robes de demain. Preuve de plus, s’il en fallait, que ce patrimoine est plus vivant que jamais.

wouldn’t destroy the planet”, concludes knitwear spe- cialist Cécile Feilchenfeldt who works for major cou- turiers and actively contributes to the creative process with her personal research and ideas. Couturiers can’t get enough of this mastery and creative freedom. “We’re like bees going to all the flowers to pollinate”, she says. The crafts sector is paving the way for the future. Feilchenfeldt explores solutions, like sequins made from seaweed, sea silk sweaters, knits crafted without waste, all of which will figure into the ward- robes of tomorrow. Further proof that this heritage is as vibrant as ever.

Dans son atelier du 15 e arrondissement, Cécile Feilchenfeldt innove et propose des mailles pour les plus grandes maisons de couture. Cécile Feilchenfeldt innovates and designs knits for the biggest fashion houses in her workshop in the 15th arrondissement.

lieu du travail du bois. Et dans le Sentier et le 9 e ar- rondissement voisin, brodeurs, maroquiniers et couturiers perpétuent leurs techniques ancestrales. Au total, près de 50000 personnes œuvrent en Île-de-France, dans ces mé- tiers de la fabrication. Mais plus tout à fait dans l’ombre. Les métiers d’art au cœur du luxe Le 20 janvier 2022, porte d’Aubervilliers, le président Em- manuel Macron et Brigitte Macron ont inauguré le tout nouveau pôle parisien de la création: le 19M. Pensé comme un lieu pluridisciplinaire, le monument du groupe Chanel abrite ses 11 maisons d’artisanat d’art acquises au fil des années, dont le brodeur Lesage, le chapelier Michel ou en- core le plumassier Lemarié. Lieu de confection, mais aussi de partage, le bâtiment offre un accès aux métiers d’art à travers des ateliers gratuits. Une initiative inédite qui témoigne de la volonté grandissante desmaisons demettre en avant leurs artisans. Car ceux que l’on appelait autrefois « les petites mains » jouissent à présent d’une place par- ticulière dans la construction de l’image de marque. Dans une époque qui accorde une grande valeur à l’authenticité, les artisans font figure d’ambassadeurs du patrimoine et de l’expertise des maisons. Ainsi, les maisons de couture Balenciaga, Valentino, Dior, n’hésitent pas à les mettre en avant, sur leur podium et dans leurs campagnes de pu- blicité. Au-delà de l’image, si l’industrie du luxe met les bouchées doubles sur l’artisanat, c’est pour répondre à un enjeu de taille: la pérennisation des savoir-faire.

En pleine confection de chaussure sur-mesure chez Massaro, bottier depuis 1894. Tailor-made shœmaking at Massaro, bootmakers since 1894.

“The era of low-cost imports slowed down arti- sans’ production”, says Nicole Roux, president of the Confédération Française des Métiers d’Art. Combined with the fact that manual work has fallen out of favour, certain trades are now facing personnel shortages and rarefied skills are disappearing. But Roux remains optimistic about the sector’s future, given the unprec- edented mobilisation of private and public advocates, and government subsidies to encourage apprentice- ship training . Luxury houses support their ecosystem and are committed to training the new generation: between 2002 and 2021, Cartier, Van Cleef & Arpels, LVMH and Hermès all opened craft schools. In 2021, one in four entrepreneurs founding a business worked in the craft sector, up 13% comparedwith 2019. There’s

En 1992, le brodeur Lesage a fondé une école pour former les artisans d’art. In 1992, embroiderer Lesage founded a school to train craftspeople.

AURELIE CENNO - ALIX MARNAT

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