Paris-vous-aime-magazine-Janvier-Février-Mars-2025
IDÉES
L’AUTEUR Sven Batke, responsable adjoint de la recherche et de l’échange de connaissances - lecteur en sciences végétales, Université Edge Hill THE AUTHOR Sven Batke, associate Head of Research and Knowledge Exchange - Reader in Plant Science, Edge Hill University
« L’échange d’informations entre plantes se fait par des racines, des champignons et même des microbes ! » “Plants exchange information via roots, fungi and even microbes!” Récemment, des chercheurs ont découvert à quel point les plantes étaient connectées entre elles. Elles peuvent envoyer des messages à leurs pairs par l’intermédiaire de leurs racines, de signaux élec triques, de réseaux de champignons souterrains et même à travers des microbes présents dans le sol. On a ainsi découvert que les plantes étaient de véritables commères indiscrètes, notamment grâce à l’élec trophysiologie, une discipline scientifique qui étudie la façon dont les signaux électriques dans et entre les plantes sont communiqués et interprétés. Les récents progrès considérables de la technologie celui de CrowdStrike, ne sont qu’un exemple de la fragilité de ces systèmes et de leur importance pour nos modes de communication. C’est la même chose pour les plantes. Pour comprendre comment des organismes incapables de parler peuvent se transmettre des informations, il est important de com prendre que les humains aussi communiquent de façon non verbale. Cela passe par nos sens : la vue, l’odorat, l’ouïe, le goût et le toucher. Par exemple, les compagnies de gaz ajoutent au gaz naturel un produit chimique appelé mercaptan qui lui donne cette odeur caractéristique d’« œuf pourri », pour nous avertir d’une éventuelle fuite. Sans oublier la façon dont nous avons développé la langue des signes, ainsi que les nombreuses personnes qui savent lire sur les lèvres. En plus de nos sens, nous bénéficions également de l’équilibriocep tion (la capacité de maintenir l’équilibre et la posture du corps), la proprioception (le sens de la position relative et de la force des différentes parties de notre corps), la thermoception (la sensibilité aux changements de température) et la nociception (la capacité de ressentir la douleur). Toutes ces dispositions ont permis à l’homme de recourir à des moyens de communication sophistiqués. D’autres espèces, notamment les plantes, utilisent leurs sens pour diffuser des informations à leur manière. LES PLANTES, DE VRAIES COMMÈRES La plupart d’entre nous connaissent l’odeur de l’herbe fraîchement coupée. Les substances volatiles libérées par les brins d’herbe, que nous associons à cette odeur, sont l’un des moyens utilisés pour informer les autres plantes à proximité de la présence d’un pré dateur – ou, dans ce cas précis, d’une tondeuse à gazon. Plutôt que d’utiliser des signaux auditifs, les plantes ont recours à une commu nication qui passe par des substances chimiques. Mais cette interac tion ne s’arrête pas aux substances volatiles.
et de l’intelligence artificielle (IA), ont permis à ce domaine de recherche de connaître une croissance accélérée ces dernières années. Et les scientifiques pourraient bientôt faire de nouvelles découvertes. Des avan cées ont récemment été observées pour utiliser, sous serre, cette communication par signaux électriques des plantes pour contrôler l’arrosage des cultures ou détec ter leurs carences nutritionnelles. Concrètement, les scientifiques insèrent sur les plantes de petites sondes élec triques, semblables à des aiguilles d’acu puncture, pour tester les effets de chan gements dans les signaux électriques sur
each other, it’s important to understand humans also have a non-verbal communica tion system. This includes our sense of sight, smell, hearing, taste and touch. For example, natural gas companies add a chemical called mercaptan to natural gas, giving it that dis tinctive “rotten egg” smell to warn us of leaks. Think also of how we have developed sign lan guage, while many people are skilled lip rea ders. In addition to these senses, we also have equilibrioception (the ability to maintain ba lance and body posture), proprioception (the sense of the relative position and strength of our body parts), thermoception (sense of tem perature changes), and nociception (ability to sense pain). All these abilities have enabled humans to become highly sophisticated in communication and engagement with the natural world. Other species, particularly plants, use their senses to spread information in their own way. What are the neighbours up to? Most of us are familiar with the smell of freshly cut grass. The volatiles, or chemi cal substances, released by the grass plants, which we associate with that smell, are one way they communicate to other nearby plants that a predator – or in this case a lawnmower – is present, prompting an adjustement in plant defences. Rather than using auditory cues, plants use chemical-induced communi cation. However, plant communication doesn’t end with volatiles. Recently, scientists disco vered just how well-connected plants are and how efficiently they can send messages to their peers via their roots, electrical signals, a network of underground fungi and soil mi crobes. The nosy plant neighbourhood watch was discovered. For example, electrophysiology is a relatively new scientific discipline that studies how electrical signals in and between plants are communicated and interpreted. With major advances in technology and artificial intelli gence (AI), we have seen significant accele rated growth in this area of research in the past few years. Scientists could be on the verge of remarkable discoveries, with recent advances integrating electrical signal com munication within and between plants into modern greenhouse to monitor and control crop watering or detect nutritional deficien cies. Scientists achieve this by inserting small electrical probes, similar to acupuncture nee dles, to test how changes in electrical signals relate to plant performance such as transpor ting water, nutrient and converting light into important sugars. Researchers have even influenced plant behaviour by sending elec
trical signals from mobile phones, making them perform basic responses like opening or closing leaves in a Venus flytrap.
UNDERGROUND INTERNET IN THE UNDERGROWTH
Soon we may be able to fully translate the language of our crops. A great deal of plant-to plant communication happens below ground, facilitated by large fungal networks known as the “wood wide web”. This network of fungi connects trees and plants underground, al lowing them to share resources like water, nutrients and information. Through this sys tem, older trees can help younger ones grow, and trees can warn each other about dangers such as pests. It’s like an underground inter net for trees and plants, helping them sup port and communicate with each other. The network is extensive, with over 80 % of plants believed to be connected, making it one of the oldest communication systems in the world. Just as the internet enables us to connect, share ideas, knowledge and information that can influence decision-making, the “wood wide web” allows plants to use symbiotic fungi to prepare for environmental changes. However, disturbing the soil through che micals, deforestation or climate change can disrupt the communication nodes through affecting water and nutrient cycles in these networks, making plants less informed and connected. Not much research has yet been carried out into the effects of disrupting these networks. But we know that plants responsive behaviour, such as defence responses and gene regulation, can be altered by their fun gal network if they are connected to one. So this communication-disconnect might make them more vulnerable, making it more diffi cult to protect and restore ecosystems around the world. There is still a lot scientists have to learn about these highly complex networks We know it’s important to help children learn to read so that they can navigate the world around them. It is just as important as to en sure we do not disconnect plant communica tion. After all, we depend upon plants for our wellbeing and survival. ◆
plusieurs paramètres clés, comme le transport de l’eau et des nutri ments, et la conversion de la lumière en sucres. Les chercheurs ont même réussi à influencer le comportement des plantes en envoyant des signaux électriques à partir de téléphones portables, ce qui leur a permis d’ouvrir ou refermer les feuilles d’une célèbre plante carni vore, le piège à mouches de Vénus. UN INTERNET SOUTERRAIN DANS LES SOUS-BOIS Une grande partie de la communication entre plantes a lieu sous terre, facilitée par de vastes réseaux fongiques connus sous le nom de « Wood Wide Web ». Cet ensemble de champignons des sous-bois relie les arbres et les plantes sous terre, leur permettant de partager des ressources telles que l’eau, les nutriments et les informations. Grâce à ce système, les arbres plus âgés peuvent aider les plus jeunes à grandir et tous peuvent s’avertir mutuellement de certains dangers tels que les parasites. Il s’agit d’une sorte d’internet souterrain pour les arbres et les plantes, comme un vecteur de soutien et de commu nication entre eux. Le réseau est très étendu : plus de 80% des plantes seraient connectées, ce qui en ferait l’un des plus anciens systèmes de communication au monde. Tout comme l’internet nous permet de partager des idées, des connaissances et des informations qui peuvent influencer nos prises de décision, ce « Wood Wide Web » permet aux plantes d’utiliser des champignons symbiotiques pour se préparer aux changements environnementaux. Malheureusement, le recours aux produits chimiques pour les sols, la déforestation et le changement climatique peuvent perturber ce mode de communication, en affectant le cycle de l’eau et la circulation des nutriments. Autrement dit, du fait de ces nouvelles menaces, les plantes sont moins informées et moins connectées. Les effets de la per turbation de ces réseaux n’ont pas encore fait l’objet de recherches conséquentes. Mais nous savons que les réactions de défense des plantes et la régulation de leurs gènes peuvent être modifiées par leur réseau fongique, si celles-ci y sont connectées. De telles rup tures de communication pourraient donc les rendre plus vulné rables, et compliquer davantage la protection et la restauration des écosystèmes dans le monde entier. Les scientifiques ont encore beaucoup à apprendre sur ces réseaux extrêmement complexes. Nous savons qu’il est essentiel d’aider les enfants à apprendre à lire pour qu’ils puissent évoluer dans le monde qui les entoure. Il est tout aussi important de nous assurer que nous ne déconnectons pas la communication des plantes. Car n’oublions pas que notre bien-être et notre survie dépendent d’elles. ◆
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