Paris vous aime magazine Avril-Mai-Juin 2023
celles qui s’activaient lors de l’expérience d’une douleur phy sique. Fait intéressant, les effets de l’ostracisme se manifestent même si les personnes à l’origine de l’ex clusion appartiennent à un groupe qui déplaît en temps normal aux individus. Après une exclusion sociale, nous n’aspirons qu’à une chose : nous raccrocher aux autres. Une étude menée à l’université Yale montrait que, dans les échanges verbaux de deux personnes qui venaient de se remémorer un épisode d’ex clusion, on comptait davantage de potins concernant des connais sances communes, comme si ce bavardage social permettait de tisser un lien fragilisé. Lorsque des individus nourrissent un sen timent de déclassement, le besoin d’affiliation est exacerbé. Pour res taurer la motivation frustrée à l’in clusion sociale, certains répondent aux sirènes de groupes extré mistes, qui dispensent un puissant sentiment d’appartenance et de sens. C’est ce que suggèrent, par exemple, des entretiens auprès d’anciens sympathisants du Klu Klux Klan ou ayant embrassé le terrorisme islamiste. Santé mentale, santé sociale Conformément aux anciennes intuitions d’Émile Durkheim, une personne dont l’inscription sociale est fragile encourt de sérieux risques psychiques. Inversement, une vaste étude a montré que la sphère scolaire et la sphère familiale étaient les deux dimen sions qui exerçaient l’effet le plus protecteur sur les conduites à risque chez les adolescents, qu’il s’agisse du suicide, de la violence ou de l’abus de psychotropes. En France, ce sont aussi les élèves ayant des attachements familiaux et scolaires labiles qui sont sur représentés parmi les auteurs de harcèlement ou d’actes de cruauté envers les animaux, selon une étude menée auprès de plus de 12000 élèves. Les effets protecteurs de l’insertion des groupes sont aujourd’hui bien établis pour toutes sortes de patho
systematically study the con sequences of social exclusion, researchers invented a somewhat Machiavellian situation where participants played a four-min ute video game with two other people whose behaviour was pre arranged by the researchers. After a few exchanges, the two players , without warning, stopped sending the ball to the participant and had fun playing without him. Individuals sub jected to this exclusion experi enced a drop in self-esteem, but it didn't stop there. When they were given tests, researchers found a correlated decrease in their intellectual performance and feelings of having lost con trol. Moreover, measurements of brain activity indicated that the brain regions activated during exclusion coincide with those activated during the experience of physical pain. Interestingly, the effects of ostracism occur even when the people perpetrat ing the exclusion belong to a group that the excluded individ ual normally dislikes. After experiencing social exclu sion, we aspire to cling to others. A study conducted at Yale Univer sity showed that, in verbal exchanges between people who had just recalled an experience of exclusion, there was more gossip about common acquaintances, as if this small talk were a way of strengthening a weakened bond. When individuals harbour a feel ing of having been demoted, the need for affiliation is heightened. To restore a frustrated motivation for social inclusion, some people are drawn to extremist groups, which provide a powerful sense of belonging and meaning. This is corroborated, for example, by interviews with former Klu Klux Klan members and people who've embraced Islamist terrorism. Mental health, social health In line with Émile Durkheim’s theories, poor social integration is is accompanied by serious psy chological risks. Conversely, a
major study showed that involve ment in school and family envi ronments exerted a protective effect against risky or dangerous behaviours during adolescence, including violence, drug abuse and suicide. According to a study of more than 12,000 French stu dents, those with unstable family and school attachments are over represented among the perpetra tors of harassment and acts of cruelty to animals. The protective effects of integra tion in a group for all kinds of pathologies are now well estab lished. David Spiegel, a Stanford psychiatrist who followed a group of women with terminal breast cancer, observed that those who were randomly selected for inclusion in a sup port group lived an average of a year and a half longer than those who were not. A summary of 12 clinical trials showed that this effect was especially true for people who were not in relation ships. Loneliness seems to be an unfavourable factor in other types of cancers too, which develop more rapidly in people lacking social bonds. Physiologi cally, social isolation has been show to weaken the immune sys tem. In another study, hospital staff who sent postcards to patients they treated following a suicide attempt halved the num ber of subsequent attempts. The effects of social isolation are highly significant. According to a researcher from the School of
Medicine at the University of Cal ifornia in Los Angeles, it is one of the most toxic environmental fac tors for all causes of mortality.
les plus toxiques pour toutes les causes de mortalité.
Puisque les relations sociales procurent de tels bénéfices, pourquoi l’isolement social est-il si répandu ?
Obstacles aux liens Puisque les relations sociales procurent de tels bénéfices, pour quoi l’isolement social est-il si répandu ? Peut-être parce que, dans le fond, nous sous-estimons ce que les autres peuvent nous apporter. Dans une étude, des chercheurs de l’université de Chicago ont demandé à des per sonnes qui voyageaient en train de remplir un court questionnaire afin d’évaluer dans quelle mesure leur voyage serait agréable si elles « profitaient de leur solitude », « parlaient à la personne à côté » d’elles ou faisaient « ce qu’elles font d’habitude ». Il est apparu que la conversation avec un autre voya geur était perçue comme la moins intéressante. Pourtant, lorsque dans une autre étude on deman dait à des voyageurs d’adopter vraiment l’un de ces trois com portements durant le trajet, ceux qui ont amorcé un échange avec leur voisin se disaient ensuite plus satisfaits. Établir le contact avec nos semblables et créer des liens avec des groupes mani festent des aspirations humaines fondamentales, tandis que tout ce qui menace notre viscéral besoin d’inclusion compromet notre équi libre psychologique comme notre santé. ◆ Source Geo rey L. Cohen, Belonging: The Science of Creating Connection and Bridging Divides, Norton, 2022
Obstacles to social connection
Since social relationships provide so many benefits, why is social isolation so prevalent? Perhaps because, deep down, we underes timate what others can bring us. In one study, researchers at the University of Chicago asked peo ple who were travelling to fill out a short questionnaire to assess how pleasant their trip would have been had they “enjoyed their solitude”, “never spoken to the people next to them” or “done what they usually did”. It turned out that the conversation with a fellow traveller was perceived as being the least interesting option. However, in another study when travellers were asked to try one of these usually avoided behaviours during a trip, those who initiated an exchange with their neigh bour subsequently said they experienced greater satisfaction. Establishing contact with our fel low human beings and creating ties with groups demonstrate fun damental human aspirations, while anything that threatens our visceral need for inclusion com promises our psychological equilibium and mental health. ◆ Source Geo rey L. Cohen, Belonging: The Science of Creating Connection and Bridging Divides, Norton, 2022
Since social relationships
provide so many benefits, why is social isolation so prevalent?
logies. Un psychiatre de Stanford, David Spiegel, a suivi des femmes ayant un cancer du sein en phase terminale. Il a observé que celles qui avaient été mises aléatoirement dans un groupe de soutien vivaient en moyenne un an et demi de plus que les autres. Une synthèse de 12 essais cliniques a montré que cet effet valait surtout pour les per sonnes qui n’étaient pas en couple. La solitude semble être un facteur défavorable concernant d’autres types de cancers, qui évoluent plus rapidement chez les personnes déficitaires de contacts sociaux. Au niveau physiologique, l’isole ment social entraîne un affaiblis sement du système immunitaire. Dans un autre domaine, celui de la prévention du suicide, le fait que le personnel hospitalier envoie une simple carte postale à des patients ayant fréquenté leur service à cause d’une tentative suicidaire divise par deux les tentatives par la suite. Les effets de l’isolement social sont donc sérieux : selon un chercheur de l’école de médecine de l’université de Californie à Los Angeles, il s’agirait même de l’un des facteurs environnementaux
Découvrez Phébé sur www.lepoint.fr/phebe Bénéficiez de l’intégralité des articles Phébé et du Point en vous abonnant pour seulement 1 € le 1 er mois, sur abo.lepoint.fr/o re.decouverte. Discover Phébé and Le Point (in French) by subscribing for €1 for the first month at abo.lepoint.fr/o re. decouverte.
AUTEUR Geo rey L. Cohen est professeur de psychologie à l'université Stanford.
AUTHOR Geo rey L. Cohen teaches psychology at Standford University.
POUR ALLER PLUS LOIN/OF FURTHER INTEREST K. A. Allen, D. L. Gray, R. F. Baumeister et al. , The Need to Belong : a Deep Dive into the Origins, Implications, and Future of a Foundational Construct, Educational Psychology Review, 2022 K. A. Allen, The Psychology of Belonging, Routledge, 2020 L. C. Hawkley, Loneliness and Health, Nature Reviews Disease Primers, 2022
AVRIL - MAI - JUIN
AVRIL - MAI - JUIN
81
80
PARIS VOUS AIME MAGAZINE
PARIS VOUS AIME MAGAZINE
Made with FlippingBook Ebook Creator