Paris vous aime magazine Avril-Mai-Juin 2023
“ When he ran out of money, he'd sleep on a bench ”
Paris 6 e ). C’est naturellement à la terrasse du Dôme, qu’un soir, Alfred Perlès, un écrivain viennois rencontré deux ans auparavant, le retrouve. Coiffé de son éternel chapeau fripé, Henry Miller est attablé devant une pile de soucoupes d’addition. Toute la journée, il a consommé boissons et nourriture, attendant qu’une connaissance plus fortunée que lui veuille bien le libérer. Perlès règle la note et l’installe à l’Hôtel Central (1 bis, rue du Maine, Paris 14 e ), payant le loyer d’avance. Dans le quartier Edgar-Quinet, Miller découvre, fasciné, la rue de la Gaîté, son cabaret Le Bobino, ses bars et ses filles galantes. Ins piré, il rédige une nouvelle, Mademoiselle Claude , pour la revue New Review. Avec son visage de Mandarin, sa voix grave récitant son amour de la littérature et son allure de clochard céleste, Henry Miller est une personnalité très appréciée deMontparnasse. En octobre 1931, grâce à Richard Osborn, un avocat américain qui l’héberge au 2, rue Auguste-Bartholdi (Paris 15 e ), il fait la connaissance d’Anaïs Nin, jeune écrivaine mariée à un banquier. Cette rencontre signe le début d’une formidable relation intel lectuelle et d’un grand amour. Sur les traces de Céline Parfois, la nuit, Miller suit son ami le photographe Brassaï à travers les rues des Halles ou du 13 e arrondissement. Au petit jour, Miller le raccompagne à l’Hôtel des Terrasses (74, rue de laGlacière, Paris 13 e , aujourd’hui disparu), rési dence d’artistes réputée pour l’indulgence du propriétaire envers ses locataires aux revenus irréguliers. Y logent les peintres Lajos Tihanyi et Hans Reichel, l’écrivain Ray mond Queneau et l’agent littéraire Franck Dobo. Ce der nier, au début de l’année 1932, confie à Miller le texte de Voyage au bout de la nuit , pas encore publié. Subjugué par
for literature and his allure of a celestial tramp, Miller became a popular figure in Montparnasse. In October 1931, thanks to the attorney Richard Osborn, who lodged him at 2 Rue Auguste Bart holdi in the 15th, Miller met
Anaïs Nin, a young writer married to a banker. This meeting marked the beginning of a formida ble intellectual relationship and a great love story. In the footsteps of Céline Miller occasionally went on night time walks with his friend the photographer Brassaï in Les Halles or in the 13th arrondissement. At daybreak, Miller would accompany Brassaï back to the Hôtel des Terrasses, at 74 rue de la Glacière in the 13th, where the photographer was living. Miller was also friendlywith painters Lajos Tihanyi andHans Reichel, writer Raymond Queneau and literary agent Franck Dobo, who in early 1932 entrusted Miller with the yet-unpublished manuscript of Céline’s Journey to the End of the Night . Captivated by this book, Miller brought his friend Perlès to Clichy in the writer’s footsteps, where they shared an apartment at 4 av. Anatole France in the Hauts de-Seine. But Miller would never actually meet Céline who no longer lived in this suburb. Quiet days at the Villa Seurat Nin, whowantedMiller back in Paris, rented a stu dio on the first floor of 18 Villa Seurat (14th arr.), a deadend street in the Montsouris neighbourhood made up of 20 small modernist houses designed by the architect André Lurçat where many artists lived. Miller moved there on September 23, 1934, the day his novel Tropic of Cancer was released. Writers Blaise Cendrars and LawrenceDurrell vis ited him there. Miller would spend his evenings with friends at the Brasserie Zeyer (62 rue d'Alesia, 14th arr.) discussing Asian philosophy, the occult and astrology, which he was passionate about. One night, convinced that the planet Jupiter was his best ally, Miller climbed on Villa Seurat’s roof to contemplate the planet as closely as possible and fell, crashing through a glass roof, but the writer sustained only minor injuries. The fifth planet in the solar systemprotected him after all! Miller left Paris in 1939 as war was brewing in Europe. ◆ To find out more, read: Henry Miller Grandeur Nature by Brassaï (Gallimard) and Tropic of Cancer , by Henry Miller (Penguin).
Henry Miller à Paris (années 1960). Henry Miller in Paris (in the sixties).
comme le comédien Antonin Artaud ou le peintre Chaïm Soutine. Henry Miller y emménage le 23 septembre 1934, le jour de la sortie de son Tropique du Cancer . Désormais, il tape pendant des heures sur sa machine à écrire. Les écrivains Blaise Cendrars et Lawrence Durrell lui rendent
cette lecture, l’auteur entraîne son ami Alfred Perlès à Clichy (92) sur les traces de l’écrivain Céline. Ils prennent ensemble un appartement au 4, avenue Anatole-France. Mais Miller ne rencontrera jamais Céline qui n’habite plus cette banlieue. Dans leur deux-pièces, Miller et Perlès reçoivent leurs amis et c’est Henry qui mitonne le pot-au-feu. Quand il rejoint Paris à pied, il s’installe des heures durant à la terrasse de la brasserie Wepler (14, place de Clichy, Pa ris 18 e ) d’où il observe les va-et-vient des pas sants et le manège des prostituées.
visite. Ses soirées entre amis, il les passe à la brasserie Zeyer (62, rue d’Alesia, Paris 14 e ) dis cutant de pensée orientale, de sciences occultes et surtout d’astrologie dont il est féru. Une nuit, persuadé que la planète Jupiter est son meil leur allié, Miller décide de grimper sur le toit de la villa Seurat pour contempler l’astre au plus près. Cherchant son protecteur parmi les étoiles, il tombe dans le vide et traverse une verrière. Réveillé par le fracas, un voisin se porte à son secours et le conduit à l’hôpital amé ricain (55, boulevard du Château, Neuilly-sur
“ Quand il n’a plus d’argent, il dort à la belle étoile ”
Henry Miller et Rip Torn, sur le tournage du film adapté de Tropique du Cancer (1970). Henry Miller and Rip Torn, Paris (1970).
drink he'd ordered during the day. Perlès paid the bill and installed him at the Hôtel Central, at 1 bis rue du Maine in the 14th, with an advance on the rent. Now ensconced in the Edgar-Quinet neighbourhood, Miller was fascinated by its life – the cabaret Le Bobino, the bars and the prostitutes on the Rue de la Gaîté who Inspired him to write the short story Mademoiselle Claude. With his Mandarin face, his deep voice exclaiming his love
Pour en savoir plus : Henry Miller grandeur nature, de Brassaï (Gallimard) et Tropique du Cancer, d'Henry Miller (Denoël) Seine) où l’on soigne ses blessures superficielles. Jupiter a tout de même su le protéger ! En 1939, miné par la guerre qui gronde en Europe, Miller quitte Paris, passe quelques mois en Grèce, puis retourne s’installer définitivement en Amérique, où il s’éteindra le 7 juin 1980. ◆
Jours tranquilles villa Seurat Anaïs Nin, le voulant de retour dans Paris intra-muros, loue un studio aupremier étage du 18, villa Seurat (14 e ), une impasse du quartier Montsouris constituée d’une ving taine de petites maisons d’architecte réalisées dans le pur style moderniste de l’époque. Y vivent nombre d’artistes
EVERETT COLLECTION / BRIDGEMAN IMAGES
BIO
1891 Henry Valentine Miller naît le 26 décembre 1891 à New York. Henry Valentine Miller was born in New York on December 26, 1891.
1930 Il revient à Paris avec l'envie de s'y installer. Moved to Paris for ten years.
1934 Publication de Tropique du Cancer chez Obelisk Press, maison d’édition parisienne. Publication of Tropic of Cancer by Obelisk Press, a Parisian publishing house.
1956 Publication en France de Jours tranquilles à Clichy . Publication of Quiet Days in Clichy in France.
1980 Le 7 juin, Henry Miller meurt à l’âge de 88 ans à Los Angeles. On June 7, Henry Miller died in Los Angeles at age 88.
1990 Adaptation pour le cinéma de Jours tranquilles à Clichy par Claude Chabrol. Film adaptation of Quiet Days in Clichy by Claude Chabrol.
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