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3 QUESTIONS À

TRIBUNE

Lacréationdesclassespréparatoires remonteauxix e àParis. Que reste-t-il decet héritageculturel? Cet héritage est encore – heureusement – très ancré dans la société française. Les classes préparatoires sont souvent décriées: elles coûtent trop cher, elles alimentent un système élitiste, etc. Il me semble que c'est une manière erronée d'envisager la situation: en France, les meilleures études sont gratuites voire les meilleurs étudiants sont rémunérés par l'État, ce qui est unique au monde. Et aujourd'hui, on est très loin de l'image légendaire des professeurs écrasants et méprisants! On n'aurait plus aucun étudiant! Ce qui est intéressant et qui perdure, c'est la pluridisciplinarité et une exigence intellectuelle qui me semblent encore participer de la tradition humaniste chère à la France: nos ingénieurs font beaucoup de lettres et de langues, nos étudiants en lettres travaillent toutes les matières littéraires à un haut niveau. Il me semble que cette formation a le mérite de développer l'esprit critique parce que les étudiants doivent non seulement apprendre énormément mais confronter leurs connaissances: c'est ce qui est di cile, apprendre et prendre de la distance par rapport à ce qu'on apprend dans un même mouvement. Raphaëlle Le Pen, a graduate of the École Normale Supérieure and an associate professor of modern literature, teaches French in a high school in Raincy (Seine-Saint-Denis). Je parlerais plus de spécificité française que parisienne, même s'il est vrai que Paris et le Grand Paris concentrent une grande partie des classes préparatoires en France. C'est à la fois son atout et sa faiblesse : di cile d'expliquer ce fonctionnement et de traduire cette excellence à l'étranger, même si, à la limite, cette compétence relève davantage des écoles que les étudiants intègrent. Cependant, je trouve que nous avons un rôle essentiel dans la formation des jeunes esprits et que nous sommes un passage entre le lycée et un monde d'études et de travail de plus en plus di cile. Ils sont à la fois protégés dans de petites classes, avec des professeurs qui ont la même attention pour eux qu'au lycée tout en étant confrontés à la gestion du temps de travail, leur capacité à travailler de manière autonome et organisée. Comment perpétuer cetteexcellenceen l’ancrant dansunesociétémoderneà l’heuredes réseaux sociaux? Ça n'est pas si di cile. Tout le monde communique par mail, tout le monde utilise internet et un ordinateur (encore faudrait-il pouvoir en financer davantage), et beaucoup de mes collègues organisent des séances qui utilisent les nouveaux moyens de communication, en géographie par exemple. Le savoir, ce n'est pas l'anti-modernité, c'est plutôt l'inverse. Plus on sait, plus on est moderne. Raphaëlle Le Pen Ancienne élève de l’École normale supérieure, agrégée de Lettres modernes, Raphaëlle Le Pen enseigne le français dans un lycée au Raincy (Seine-Saint-Denis). Peut-on parler d’excellence à la française, voire à la parisienne?

Alexis Karklins- Marchay

Partner, Eight Advisory

D uring the Renaissance, King François I (1494-1547) declared that Paris "is not a city but a country." In his novel Father Goriot , Honoré de Balzac (1799-1850) wrote: "Paris is in truth an ocean that no line can plumb". Both the monarch and the writer felt that because of its size, power, and in- fluence, Paris is a city apart. Along with London and Moscow, the French capital is the largest metropolis in Europe, and a major urban area in the EuropeanUnion which will play an essential role in eco- nomic recovery as the covid pandemic gradually ends. This recovery must be about innovation. With increasing glo- bal competition, a digital economy ex- periencing a meteoric expansion, and growing concerns over the environment, the production of wealth will come from those willing to be disruptive, diverse, and original. Development will hinge on the capacity of cities to attract talent and offer an ecosystem favourable to entre- preneurs. The good news is that Paris hasmany as- sets in this area. A recent study ranked Paris seventh in the world for long-term success, behind American tech cities and London. Thanks in part to the ca- pital's dynamic businesses, and highly qualified workforce, Paris is asserting itself as a true centre for research in Eu- rope and the top-ranked city, both on the continent and in the non-AngloSaxon world. The French capital must continue to enhance its appeal in the long term, meaning that France must improve its competitiveness. Let’s hope that the po- litical discussions prior to the 2022 pre- sidential and legislative elections will focus on central issues such as invest- ment in transport and communication infrastructure, efficiency of public ser- vices, administrative and fiscal simplifi- cation, and the safety and quality of life in France. If everything that is good for Paris is also good for France and Europe, what is good for France and Europe is also good for Paris. “ Paris is the first city of the European Union ”

Partner, Eight Advisory

“ Paris, première agglomération de l'Union européenne ”

The advent of prep classes in Paris dates back to the 19 th century. What remains of this cultural heritage? This heritage is fortunately still anchored in French society, although prep classes are often criticised for costing too much or creating an elitist system. I believe this is the wrong way of looking at it. In France, the best universities are free and the best students are paid by the state, something unique in the world. Today, we've come far from the customary image of domineering, contemptuous teachers – or we wouldn’t have any students! What is interesting, and endures, are the multidisciplinary intellectual standards that are still part of the humanist tradition dear to France. Our engineers study literature and languages, our literature students work on all literary genres at a high level. This training has the merit of developing critical minds because students must not only learn but also confront the knowledge they've acquired – it’s di cult to learn while also critiquing what we learn. Can we speak of French or even Parisian excellence? I would say it is more French than Parisian, even if Paris and Greater Paris do host a large portion of the prep classes in France. This is both a strength and a weakness. It’s di cult to explain how these classes function and to promote this excellence abroad. However, I do find that we play an essential role in educating young minds, and prep schools are a transition between high school and the increasingly di cult worlds of higher education and work. Students are both protected in small classes, with teachers giving them the same attention as in high school, and forced to organise their time and work independently. How can we perpetuate this excellence, anchoring it inmodern society in the age of social media? It’s not that di cult. Everyone communicates by email, uses the internet, and has a computer (while we do need more financing). Many of my colleagues organise work sessions using new means of communication, in geography for example. Knowledge is not anti-modernity, rather the reverse. The more we know, the more modern we are.

écosystème favorable à ceux qui créent et entreprennent. Bonne nouvelle, Paris a des atouts importants en la matière. Comme le montre une étude récente, elle serait au 7 e rang mondial des villes appelées à réussir sur le long terme, derrière les incontournables métropoles américaines de la tech et Londres. Grâce entre autres à ses entreprises dynamiques et à une main-d’œuvre très qualifiée abondante, Paris s’affirme comme le véritablemoteur de la recherche en Europe et la ville la mieux clas- sée à la fois sur le continent et dans le monde non anglo-saxon. Encore faut-il que la capitale fran- çaise soit en mesure d’accroître durablement son attractivité, ce qui implique que la France elle- même améliore sa compétitivité. Espérons que les débats politiques qui se tiendront à l’occasion des élections présidentielles et légis- latives prévues en 2022, plutôt que se perdre en conjectures, se concentrent sur des questions cen- trales comme l’investissement dans les infrastructures de transports et de communication, l’efficacité des services publics, la simplification administrative et fiscale ou encore la sécurité et la qualité de vie de ses habitants. Car, si tout ce qui est bon pour Paris est bon pour la France et l’Europe, ce qui est bon pour la France et l’Europe l’est aussi pour Paris.

L e roi François I er (1494-1547) déclarait à la Renaissance que Paris n’est pas une ville mais un pays. Le grand romancier Honoré de Balzac (1799-1850) la considérait quant à lui comme un véritable océan : « Jetez-y la sonde, vous n’en connaîtrez jamais la pro- fondeur », écrit-il dans l’un de ses chefs-d’œuvre, Le Père Goriot . À travers ces considérations, le monarque et l’écrivain souli- gnaient que Paris est bien une cité à part, en raison de sa taille, de sa puissance et de son rayonnement. Parce qu’avec Londres et Moscou, la capitale française est la plus grande métropole de l’espace eu- ropéen, parce qu’elle constitue la première agglomération de l’Union européenne, elle est de fait appe- lée à jouer un rôle essentiel dans la reprise économique qui s’amorce avec la perspective de la pandémie de Covid enfin maîtrisée. Cette reprise sera celle de l’inno- vation ou ne sera pas. Alors que la compétition mondiale n’a jamais été aussi intense, que l’économie numérique connaît une expan- sion fulgurante et que l’exigence citoyenne en matière environne- mentale s’amplifie, le développe- ment de la production de richesses ne pourra en effet venir que d’ac- teurs disruptifs, différenciants, ori- ginaux. Développement qui dépen- dra de la capacité des métropoles à attirer les talents et à offrir un

STÉPHANE MANEL

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OCTOBRE - NOVEMBRE - DÉCEMBRE

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