Paris vous aime Magazine Oct-Nov-Dec 2021.pdf

Lack of legitimacy To convince the sceptics, the reviewers next selected 216 peo- ple to participate in an online conversation. Each participant was asked to play the role of aca- demic researcher, either at a low- er-status university or a prestig- ious institution. Participants all had access to the same text indi- cating the results of the research which, in the simulation, was sup- posed to be theirs and which they had to explain to a non-academic audience. The texts, having to do with research in biology, con- tained a good deal of jargon. Par- ticipants were given the equiv- alent of each of the terms used in the text in simpler language, and were therefore free to choose whether to use jargon or not. As in the preceding experience, those playing less-prestigious research- ers used almost twice as much jargon as those playing high-pro- file researchers. Similar results were obtained when jargon was replaced with acronyms. Though the correlation between the use of jargon and lack of legit- imacy had been clearly estab- lished, the reasons behind this correlation still needed clarifica- tion. The use of jargon is a reaction to situations where our expertise is called into question and hence our need to compensate. But the tests didn't entirely validate this interpretation. So the researchers devised yet another experiment. The judgment of others In this experiment, the three researchers conducted short interviews with each of the 467 participants to understand why they chose to use jargon over more accessible language. Special attention was paid to two responses: first, the willingness to communicate research results effectively; second, the wish to be respected by an audience. These short interviews helped clarify things. Participants under pres- sure (i.e., having to play the role of an unglamorous researcher

Jargon is a reaction to situations where our competence is called into question Jargonner est une réaction à des situations où nos qualités sont remises en cause

recherche qui, dans la simula- tion, était censée être la leur et qu'ils devaient expliquer à leur interlocu- teur non académique. Ces textes portaient sur une recherche en bio- logie et contenaient un bon nombre de termes jargonnants. Cependant, il leur était également fourni un équivalent non jargonnant de cha- cun de ces termes. Ainsi, les parti- cipants avaient le choix d'utiliser ou non un jargon. Comme précédem- ment, ceux qui représentaient des chercheurs à faible réputation ont choisi de jargonner presque deux fois plus que ceux qui représen- taient des chercheurs plus répu- tés. Le même résultat est observé lorsque le jargon est remplacé par des acronymes. Jusqu'ici, le lien entre l'usage du jargon et l'absence de légitimité a été bien établi. La question qui reste à clarifier porte sur les raisons qui expliquent ce lien. L'idée est que jargonner est une réaction à des situations où nos qualités sont remises en cause et nous éprouvons le besoin de nous rehausser. Mais les tests que nous avons décrits jusqu'ici ne per- mettent pas de valider cette inter- prétation. C'est pourquoi nos trois chercheurs se sont livrés à une autre expérimentation. Jugement d'autrui Lors d'une nouvelle variante de ces expérimentations sur 467 par-

before a very competent audi- ence) were driven by the desire to be respected twice as much as the others. However, this correla- tion disappeared when each par- ticipant’s rationale was taken into account. The researchers found that when preoccupied with audi- ence evaluation, academics tended to use jargon, as opposed to those whose primary objective was con- versational clarity. This suggested that those placed in an inferior position use more jargon because they are more concerned with the opinion of others. Frankfurt emphasised that during a stressful performance situation we need to legitimise our status, not by communicating informa- tion but by presenting a compe- tent image of ourselves. Jargon is used by people placed in a posi- tion of weakness. The researchers concluded that the use of jargon is ultimately not about choice but rather a phenomenon akin to stut- tering or blushing. When someone uses jargon with you, it signifies that you impress that person. This point was raised by the soci- ologist Pierre Bourdieu, who him- self was treated derisively by the Paris bourgeoisie. As a victim, he understood the issue, but did not know how to express it in any other way but to use jargon: "To believe symbolic violence can be defeated merely with weapons of consciousness and pure will is totally illusory, as their effects and conditions of effectiveness are durably inscribed in our bodies in the form of predispositions". Sources Z. C. Brown, E. M. Anicich, A. D. Galinsky, Compensatory conspicuous communication: Low status increases jargon use , Organizational Behavior and Human Decision Processes, 2020

AUTEURS Adam D. Galinsky est professeur d'éthique et de leadership à la Columbia Business School de New York. Zachariah C. Brown fait son doctorat en gestion dans cette même université sur la psychologie du jargon. Eric M. Anicich , après avoir soutenu son doctorat à l'université de Columbia sur les hiérarchies sociales entre groupes, est aujourd'hui assistant professeur de management et organisations à l'école de management de l'université de Southern California, à Los Angeles. AUTHORS Adam D. Galinsky is Professor of Ethics and Leadership at Columbia Business School, New York. Zachariah C. Brown is doing his PhD in management at Columbia Business School on the psychology of jargon. Eric M. Anicich , after having completed his PhD at Columbia University on social hierarchies between groups, is currently assistant professor of Management and Organisation at Southern California University, Los Angeles. POUR ALLER PLUS LOIN / OF FURTHER INTEREST Harry Frankfurt, De l'art de dire des conneries , Fayard/Mazarine, 2017. Zachariah C. Brown, Eric. M. Anicich, Adam. D. Galinsky, T he Psychology of Jargon , Harvard Business School, 2021. Raul Magni-Berton, professeur de sciences politiques à Sciences Po Grenoble.

ticipants, ils ont décidé de mener un petit entretien avec chacun des participants pour comprendre pour- quoi ils avaient choisi une option jargonnante ou, au contraire, une option accessible. Une attention particulière était portée à deux réponses : la première étant la volonté de communiquer efficace- ment les résultats de la recherche, la deuxième étant la volonté d'être respecté par l'audience. Ces petites interviews ont permis de clarifier les choses. D'abord, ceux qui étaient mis sous pression (devant jouer le rôle d'un chercheur peu prestigieux face à une audience très compé- tente) sont mus par la volonté d'être respectés environ deux fois plus que les autres. Cependant, ce lien disparaît si on prend en compte les

justifications de chaque participant. Lorsqu'ils étaient préoccupés du jugement de la salle – indépendant du rôle qui leur avait été assigné, ils ont jargonné. En revanche, lorsqu'ils étaient préoccupés de transmettre correctement l'information, ils ne l'ont pas fait. Cela signifie que si ceux qui sont placés dans une situa- tion d'infériorité jargonnent plus, c'est parce qu'ils sont plus préoccu- pés du jugement des autres. C'est ainsi que, comme l'avait ima- giné Frankfurt, en situation de stress de performance nous avons besoin de légitimer notre position en par- lant non plus dans le but de commu- niquer une information, mais plutôt dans le but de donner une bonne image de nous-mêmes. Jargonner en est l'illustration typique et est employé par les gens qui sont mis en positionde faiblesse. Ce n'est pas tant un choix assumé qu'un phénomène qui ressemble à bégayer, bafouiller ou rougir. Quand quelqu'un jar- gonne devant vous, c'est que vous l'impressionnez. C'est un point qui avait été soulevé par le sociologue Pierre Bourdieu, qui a lui-même été victime du mépris des bourgeois parisiens. En tant que victime, il a vu le problème, mais il n'a pas su l'ex-

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À RETENIR Pourquoi jargonne-t-on? Dans une série d'expériences, trois chercheurs en management ont cherché à le comprendre à travers une série d'expériences. Il ressort de leur étude que le jargon sert à compenser un manque de légitimité, réel ou perçu. Ainsi, une thèse réalisée dans une université prestigieuse comprendra en général moins de jargon qu'une thèse écrite dans une petite université sans réputation. Selon les auteurs, la tendance à jargonner vient du fait que ceux qui parlent s'inquiètent de l'image qu'ils renvoient à leurs interlocuteurs. THE KEY POINT Why do we use jargon? In a series of experiments, three management researchers tried to answer the question through a series of experiments. Their study concluded that jargon is used to compensate for a lack of real or perceived legitimacy. Thus, a PhD written at a prestigious university will generally include less jargon than a thesis PhD written at a lower-status university. According to the authors, the tendency to use jargon is due to the fact that those speaking worry about the image they're conveying to their audience.

➤ FURTHER READING The rise of "bullshit jobs," a modern ill

Sébastien Le Fol, La France, l'autre pays du bullshit (France: The Other Country of Bullshitters) "Bullshit" or "speak frankly": Laurent Wauquiez's political choices

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