Paris vous aime Magazine Juillet-Août-Septembre 2022

la prévalence parmi les succès commerciaux et critiques de tous ceux dont l’existence n’est pos- sible que grâce au numérique. Sa conclusion est sans équivoque : le public bénéficie désormais de produits toujours plus nombreux (la production musicale a triplé en quelques années), leur qualité est, selon tous les indicateurs, meil- leure que dans les décennies pré- cédentes (sans toutefois atteindre le niveau des années 1960 et 1970, âge d’or de la musique populaire), et, surtout, les artistes indépen- dants sont plus présents que jamais dans les succès commer- ciaux (35 % en 2010 contre 14 % en 2001 dans le classement Billboard 200). Deux choses semblent donc acquises : les industries culturelles assuraient très imparfaitement leur fonction de sélectionneurs des artistes à produire, et leurs difficultés économiques n’ont pas nui à la production. Dès lors, com- ment comprendre le discours

self-produce their music at a frac- tion of the cost of the old system and use social media and other distribution platforms, like iTunes and Spotify, to find an audience. While producing, dis- tributing, and promoting an artist used to cost between €700,000 and €1.3 million, similar results can now be obtained for less than €10,000. Streaming as saviour But shouldn't we expect a drop in quality? Waldfogel assessed the quantity and quality of music and movies produced after 2000, and the prevalence among commer- cial and critical successes of pro- ductions whose existence was made possible by digital technol- ogy. His conclusion is unequivo- cal: The public now benefits from an ever-growing number of prod- ucts (music production has tri- pled in a few years), and accord- ing to every indicator, their

COMMENT INTERNET A SAUVE LA

La qualité des produits musicaux et cinématographiques

est meilleure qu'auparavant

POP CULTURE

The quality of musical and

cinematographic output is better than it used to be

HOW THE INTERNET SAVED POP CULTURE

Selon un économiste, contrairement aux idées reçues, le numérique n’a pas nui aux industries créatives, mais en a augmenté la qualité et la quantité.

Challenging conventional wisdom, economist Joel Waldfogel believes that digital technology has not harmed the creative industries but has actually enhanced their quality and output.

En collaboration avec Phébé, la veille d’idées internationale par Le Point

Pierre Schweitzer, maître de conférences associé à Aix-Marseille université

L e développement des technologies numé- riques a entraîné une vague de piratages sans précédent, cau- sant à son tour un effondrement des revenus de nombreuses industries créatives. Industriels, artistes, économistes et politi- ciens craignirent alors d’entrer dans un « âge sombre » numé- rique où les créateurs n’auraient plus les moyens d’apporter au public des produits culturels de qualité. Vingt ans après la créa- tion du magasin de musique en ligne Napster, l’économiste Joel Waldfogel arrive, au terme d’une enquête minutieuse, à la conclu- sion inverse : la révolution numé- rique n’a pas abouti à un âge sombre mais, tout au contraire, à une véritable « renaissance numé- rique ». Comment expliquer un tel paradoxe ? Tout en ouvrant la porte au pira- tage, les outils numériques ont aussi réduit drastiquement le coût de fabrication, de distribu-

tion et de promotion de produits tels que la musique, les films ou les livres numériques, consti- tuant un premier facteur d’affai- blissement pour les « portiers » de l’industrie culturelle : labels, radios, producteurs, distributeurs, critiques. Désormais, les artistes peuvent non seulement produire eux-mêmes leur musique pour une fraction du coût de l’ancien système, mais aussi utiliser les réseaux sociaux et autres plates- formes de distribution comme iTunes ou Spotify pour trouver leur public. Alors que produire, distribuer et promouvoir un artiste coûtait de 700 000 à 1,3 million d’euros, il est aujourd’hui possible d’obtenir un résultat similaire pour moins de 10000 euros. Le streaming a agi en sauveur Cependant, ne devrait-on pas s’at- tendre à une baisse de la qualité ? L’auteur a entrepris d’évaluer la quantité et la qualité des pro- duits musicaux et cinématogra- phiques après 2000, mais surtout

T he development of digital technologies has led to an unprecedented wave of piracy, in turn causing a collapse in revenue for many creative industries. Industrialists, artists, economists, and politicians all feared we were entering a digital “dark age”, where artists would no longer have the means to provide quality cultural products to the public. Twenty years after the opening of the online music store Napster, economist Joel Waldfogel has reached the opposite conclu- sion: The digital revolution didn’t lead to a dark age but rather to a true “digital renaissance”. How can this paradox be explained? While opening the door to piracy, digital tools have also drastically reduced the cost of manufactur- ing, distributing, and promoting music, film, and digital books, which has weakened the position of the "gatekeepers" of the cul- tural industry: record labels, radio shows, producers, distribu- tors, critics. Artists can now

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