Paris Vous Aime Magazine - n° 1

Schlesser, écrivain, auteur notamment de Saint-Ger- main-des-Prés. Les lieux de légende (Parigramme, 2014). C’était le lieu où souf ait l’esprit, où il fallait être. Tout le monde vivait à l’hôtel, et se retrouvait dans la rue, les cafés, c’était un melting-pot culturel extraordinaire et la fête tous les soirs. » « L’atmosphère d’unanimisme et d’euphorie est alors enivrante , con rme Sylvie Le Bon de Beauvoir, lle adoptive de Simone de Beauvoir, laquelle ressent de la sympathie pour cette exubérance, ce foison- nement, cette jeunesse anticonformiste. » Village existentialiste Portée par la n du con it mondial, la nouvelle généra- tion découvre le goût de l’optimisme et l’envie d’aller de l’avant. L’existentialisme, philosophie prônée par Sartre et Beauvoir af rmant que l’homme est libre et avant tout dé- terminé par ses actes, devient populaire, parfois à contre- sens. On baptise existentialistes (un peu trop vite) « les zazous provocateurs, le be-bop, les chansons de Juliette Gréco, la trompinette de Boris Vian. Les bars, les caves de Saint-Germain-des-Prés pro tent de cette vogue » , selon Sylvie Le Bon de Beauvoir, aujourd’hui éditrice et qui a écrit Album Simone de Beauvoir (La Pléiade, 2018). Parce que beaucoup d’étudiants ou d’apprentis artistes habitent dans des chambres de bonne ou de petits hôtels mal chauffés, on recherche le fameux poêle du Flore, mais on s’abrite aussi aux Deux Magots, chez Lipp, à la Rhu- meriemartiniquaise, au Procope, au Royal Saint-Germain. Le soir, caves et petits cabarets tels que le Tabou, la Rose rouge ou le Club Saint-Germain servent d’écrins au swing de Sydney Bechet et Miles Davis. En quelques heures, on aura peut-être croisé Michel Leiris, Queneau, Genet, Prévert ou l’écrivaine Anne-Marie Cazalis. « Saint-Ger- main fonctionnait alors comme une caisse de résonance , précise Gilles Schlesser. Dès que quelqu’un créait, pu- bliait, tout le monde le savait. » Un village pétulant qui poussera Simone de Beauvoir à prendre ses distances tant elle y était vénérée, attendue, parfois trop. « Elle gardera la nostalgie de ce temps où il suf sait de descendre dans la rue pour tomber sur des visages familiers, d’entrer au Flore pour y être en pays de connaissance », se souvient Sylvie Le Bon de Beauvoir. Un temps révolu? « Le Saint-Germain vivant et créateur

Jean-Paul Sartre, Boris Vian, sa femme Michelle, et Simone de Beauvoir au Procope en 1948. Jean-Paul Sartre, Boris Vian, his wife Michelle, and Simone de Beauvoir at Le Procope in 1948.

a disparu , poursuit-elle. Il est passé de la création à la consommation. Mais le quartier garde son charme poétique, dès qu’on s’éloigne par ses petites rues tranquilles aux belles façades anciennes. » Et, face aux Deux Magots, une plaque en appelle au passé : elle porte le nom des deux penseurs, encore une fois réunis.

Écoutez notre podcast Un lieu, une figure et partez à la découverte du mythique Café de Flore.

BIO

1928 Rencontre avec Jean-Paul Sartre

1945 Création de la revue politique et de littérature engagée Les Temps modernes . Launches Les Temps Modernes magazine on politics and socially engaged literature.

1949 Publication du féministe et existentialiste Deuxième sexe. Publication of the feminist and existentialist tome The Second Sex .

à la n de leurs études de philosophie. Meets Jean-Paul Sartre at the end of their philosophy studies.

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JANVIER-FÉVRIER 2020

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