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L’ENTRETIEN

Laurent Gaudé « Je suis un écrivain de convictions » «I am a writer of conviction»

par / by J oséphine L ebard photographies / photographs F rédéric S tucin

I l revient du Festival d’Avignon où son dernier texte Nous, l’Europe, Banquet des peuples (Actes Sud) vient d’être joué.Un livre surprenant, véritable épopée poétique dédiée auVieux continent. Surprenantmais pas étonnant de la part de Laurent Gaudé dont la plume s’inspire du monde entier, en maniant aussi bien la forme romanesque, poétique que théâtrale. Prix Goncourt à 32 ans avec Le Soleil des Scorta , il ne semblepasjouerlesmodestesmaisl’être,toutsimplement. Avec la montée des populismes, des crises de confiance dans l’élite politique, pensez-vous vraiment que l’on puisse dire aujourd’hui « Nous, l’Europe » ? C’est tout l’enjeu. Ma part d’optimisme me fait dire que c’est possible de le rêver et de le tenter. Nous traversons une période où notre socle commun est moins visible, moins raconté que ce qui nous sépare. Or, quand on voyage à travers le monde, on se rend compte de ce qui nous cimente. On quitte l’Europe et on perçoitmieux alors la zone politique de démocratie qu’elle constitue. Bien sûr, tous les pays ne sont pas à 100%sur le sujetmais, globalement, nous partageons l’attachement aux libertés individuelles, l’abolition de la peine demort, la séparation de l’Église et de l’État. Nous ne sommes pas aux États-Unis où, sur les billets, est inscrit « In God We Trust ». Et puis nous vivons quand même dans une zone du monde où on peut aimer qui on veut. Quelle lecture faites-vous des résultats des dernières élections européennes ? Je crois qu’on peut y lire une chose et son contraire. Je m’explique : on peut se réjouir de la hausse du taux moyen de participation ( 51 % sur les 27 pays, Ndlr ). En même temps, cela signifie que presque un Européen sur deux n’est pas allé voter. Il en va de même concernant la montée des droites extrêmes et des populismes : elle est très inquiétante et en même temps, on a bien vu que lors de la constitution des groupes au Parlement, cette pensée a été

W inner of the Prix Goncourt at age 32 for his book Le Soleil des Scorta , Laurent Gaudé has just returned fromtheFestival d’Avignon, where his latest work Nous, l’Europe (Actes Sud), a stunning poetic saga dedicated to theOldContinent, was performed on stage. The formwas unexpected, but the work’s success is not surprising, as Gaudé is a master of the novel, poem, and play forms, and draws his inspiration worldwide. With the rise of populism and the crises of confidence in our political elites, do you believe we can still say “We, Europe”? That’s the challenge. My optimism makes me say yes, it is possible to dream about and reach for.We are going through a periodwhere our common ground is less visible, less emphasised thanwhat separates us. Yet when we travel the world, we see what unites us. Whenwe leaveEuropewe can clearly perceive the zone of democracy. Of course, not all countries are 100% onboard, but overall, we share an attachment to individual freedom, the abolitionof the deathpenalty, the separation of church and state. We aren’t in the United States, where “InGodWeTrust” is inscribed on the currency. And we live in an area of the worldwhere are free to love whomwe choose. What is your take on the last European elections? I think we can read the outcome in many different ways. We can rejoice at the rise in the average rate of participation [51% over the 27 countries, Eds]. At the same time, it means that nearly one in two Europeans did not vote. The same is true of the rise of the far right and populism: it’s very disturbing, but we also saw that during the creation of Parliamentary groups this ideology was

84 - PARIS WORLDWIDE SEPTEMBRE / OCTOBRE SEPTEMBER / OCTOBER

2019

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