PVA magazine (Mars-Avril 2020)

MUSÉE À CIEL OUVERT

3 QUESTIONS À Christophe Genin

Professeur en philosophie de l’art et théorie de la culture à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Christophe Genin est également auteur de Street art au tournant : de la révolte aux enchères .

Christophe Genin is Professor of the Philosophy of Art and Cultural Theory at Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne and author of Street Art au Tournant:

de la Révolte aux Enchères [Street Art at a Crossroads: from Revolt to Auction].

À quoi sert l’art dans l’espace public ? Souvent, les artistes s’approprient

What is the purpose of art in public spaces? Artists often use public spaces for personal gain: it’s a great promotional tool. But the street can also be a means to get a message across or restore the memory of a certain neighbourhood. I’m particularly thinking of Morèje’s mosaics [which trace a route from Bastille to the Latin Quarter in memory of the Paris Commune -Eds.]. But the spectator also appropriates the street. It’s not uncommon to see local residents rallying to the defence of a work produced illegally on the grounds that it’s part of ‘their’ neighbourhood and, as such, ‘belongs’ to them. Finally, sponsors generally use art to update or embellish a particular location. Is urban art made to be understood by the street? Urban art is integrated into a space to rehabilitate it or sometimes even make it liveable. The works that are part of this trend are intended to be comprehensible, or at least perceptible by the public. However, this understanding isn’t necessarily intellectual. Daniel Buren’s columns (1) or the automata of the Stravinsky Fountain (2) were initially met with scepticism by adults, while children immediately appropriated them by climbing on them!

l’espace public à des ns personnelles. Pour eux, c’est un formidable outil de promotion. Mais la rue peut aussi être un moyen de faire passer un message ou de restaurer la mémoire de certains quartiers. Je pense aux mosaïques du plasticien Morèje (NDRL: elles composent un parcours urbain, consacré à la Commune de Paris, de la Bastille au Quartier latin) . Le spectateur s’empare différemment de la rue: il n’est pas rare que des riverains se mobilisent pour défendre une œuvre réalisée dans l’illégalité, car elle s’inscrit dans «leur» quartier et, qu’à ce titre, elle leur «appartient». Quant au commanditaire, il utilise généralement l’art pour habiller ou embellir un lieu. L’art urbain est-il fait pour être compris par la rue ? L’art urbain s’intègre dans un espace pour le réhabiliter et parfois même, le rendre vivable. Les œuvres qui s’inscrivent dans ce courant sont censées être compréhensibles ou, a minima, perceptibles par le public. Mais, pour rappel, les colonnes de Buren (1) ou les automates de la fontaine Stravinsky (2) ont au départ été jugés obscurs par les adultes. Alors que les enfants se les sont appropriés en grimpant dessus ! Ce type de création suppose donc un délai d’appropriation ? Les œuvres qui ornent l’espace public supposent un temps de réception plus ou moins long selon leur nature. Souvenez-vous de la polémique autour de la Pyramide du Louvre lorsqu’elle est sortie de terre en 1989. Trente ans plus tard, ce monument est considéré de manière unanime comme un sommet de l’art urbain.

Does this kind of art require a period of appropriation?

Works in public spaces do require a reception time, which varies according to their nature. Remember the controversy surrounding the Louvre Pyramid when it emerged in 1989? Thirty years later, this monument is unanimously considered a pinnacle of urban art.

(1) Cour d’honneur du Palais-Royal, Paris 1 er . (2) Place Igor-Stravinsky, Paris 4 e .

© STUDIO HARCOURT

MARS -AVRIL 2020

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