PVA magazine (Mars-Avril 2020)

indifférents, précise-t-il. C’est comme cela qu’il est devenu ce qu’il fut.» Une jeunesse dif cile con rmée par Juliette Dubois, guide et créatrice de balades ur- baines thématiques (2) , dont une consacrée au créateur de Jules et Jim . «Cet ado incompris s’est forgé tout seul. Ce qui l’a sauvé, ce sont les lms qu’il voyait en cachette au lieu d’aller en cours.» L’enfant terrible des rues parisiennes Il faut donc se gurer l’élève Truffaut premier de sa classe en école buissonnière, Titi parisien arpenteur de rues et lou resquilleur, dans ce quartier alors populaire. Il faut l’imaginer rebondir de cinéma en cinéma autour d’un axe Pigalle-Barbès. Le Mirage, l’Agora, l’Artistic, Le Delta: autant de lieux refuges, aujourd’hui disparus, où il se fau le sans payer, piquant la nuit les photos murales d’Humphrey Bogart ou Lauren Bacall en fracturant les vitrines à l’aide d’un tournevis. Mais le vaisseau-amiral, c’est le Gaumont Palace qui domine le boulevard de Cli- chy de sa façade Art déco, abritant plus de 6000 places. «Le plus grand d’Europe, voire du monde» , souligne Phi- lipe Lombard. Aujourd’hui remplacé par une chaîne de bricolage, il fut détruit en 1973, ce dont François Truffaut ne se remettra jamais. Mais, pour l’heure, le jeune af- franchi découvre les quartiers de Paris grâce à Orson Welles ou Sacha Guitry. Quand il a faim, il pille le tronc des églises et vole des bouteilles de lait sur le perron des immeubles. Un esprit d’indépendance et une ca- pacité à s’adapter que l’on retrouve dès qu’il empoigne sa première caméra. Précurseur de la Nouvelle Vague, «le manque de budget le pousse à tourner sur place, dans la rue, à l’insu des passants» , rappelle Philippe Lombard. «Il voulait montrer les vrais gens et la vérité des rues, complète Juliette Dubois. Pour retrouver cette époque ré- volue, il faut voir ses lms.» Si son œuvre constitue un vi- vi ant portrait de l’après-guerre, elle distille un étrange sentiment de décalage. Dans Domicile conjugal ou Tirez sur le pianiste , les personnages prennent des autobus à plateforme, envoient des pneumatiques ou parlent à leur gardienne dans des cours sans digicode. «En comparant aujourd’hui avec les images de ses lms, on s’aperçoit à quel point les quartiers populaires des Batignolles et de

DOINEL, LE DOUBLE FICTIONNEL DOINEL, A FICTIONAL DOUBLE

Pendant cinq lms, François Tru aut charge

In ve of his lms, François Tru aut has Antoine Doinel, his ctional alter-ego, walk in his footsteps in Paris. In The 400 Blows (1959) the rascal ventures between the glise de la Trinité, Avenue Trudaine, and the Rue des Martyrs. In Antoine and Colette (1962) he moves to the Rue Lécluse (17th) opposite his lover’s house, and returns freshly separated in Bead and Board (1970). Stolen Kisses (1968) shows the neo-detective in his room in Square d’Anvers. In Love on the Run (1979) Tru aut closes the Doinel saga symbolised by the Montmartre cemetery.

Antoine Doinel, son personnage fétiche, de marcher sur ses

traces dans Paris. Dans Les Quatre Cents Coups (1959), le petit sauvageon s’amuse entre l’église de la Trinité, l’avenue Trudaine et la rue des Martyrs. Dans Antoine et Colette (1962), le jeune homme s’installe rue Lécluse (17 e ) en face de chez son amoureuse, où il reviendra, fraîchement séparé, dans Domicile conjugal (1970). Baisers volés (1968) lme le néodétective dans sa chambre square d’Anvers. Dans L’Amour en fuite (1979), Tru aut clôt la saga Doinel et montre le cimetière Montmartre.

Pigalle ont changé, sont devenus plus bourgeois, avec toutes ces façades ravalées» , remarque la créatrice des ciné-balades. François Truffaut fut le précieux ambassadeur d’un Paris bientôt oublié. (1) Le Paris de François Tru aut, Philippe Lombard (Parigramme, 2018). (2) cine-balade.com, à retrouver sur exploreparis.com.

Écoutez notre podcast Sur les traces de Truffaut aux Batignolles.

BIO

1948 Placement au Centre d’observation des délinquants mineurs de Villejuif. Admitted to the Villejuif Juvenile O ender Observation Centre.

1974 Oscar du meilleur lm étranger pour La Nuit américaine . Wins the Oscar for Best Foreign Film for Day for Night.

1977 Acteur dans Rencontres du troisième type de Steven Spielberg . Appears in Steven Spielberg’s Close Encounters of the Third Kind .

© BRIDGEMAN IMAGES - GLASSHOUSE IMAGES/SHUTTERSTOCK

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