PVA (Avril-Juin 2020).pdf

POURQUOI NOUS PRÊTONS ATTENTION AU

tant qu’un événement positif d’une intensité similaire. Un détour par quelques expériences personnelles permettra d’illustrer brièvement cette idée. Ainsi, la perte d’un bil- let de 20 euros colorera davantage notre humeur que le gain imprévu de cette somme. Asymétrie universelle Un tel biais en direction du négatif est également à l’œuvre dans le lan- gage courant. Ainsi, les répertoires linguistiques de nombreux pays recèlent plus de mots pour dési- gner les émotions négatives que les émotions positives, et l’on dispose davantage de synonymes du mot «douleur» que du mot «plaisir». Parfois, il semble même ardu de trouver des symétriques positifs à certains termes: qui connaît les antonymes de «dégoût», de «trau- matisme» ou de «meurtrier»? En- n, l’anthropologie des croyances supranaturelles et des mythologies révèle que l’imaginaire humain hé- bergerait davantage de dieux mal- veillants, d’êtres vindicatifs et de démons malé ques que de divinités généreuses ou d’anges secourables. Amygdale La prééminence de l’impact psy- chologique du négatif par rapport au positif est évidente à travers plu- sieurs phénomènes attentionnels. Des études neuroscienti ques per- mettent également de mesurer l’in- cidence massive des informations négatives sur l’activité de l’amygdale, une structure cérébrale spécialisée dans la détection des menaces. Ce biais pour le négatif s’applique aussi à une diversité de situations sociales. Apprentissage Le même phénomène se révèle également à travers les processus d’apprentissage. Dans une étude sur le conditionnement gustatif, des étudiants d’une université belge goû- taient une série de boissons aromati- sées auxquelles l’on ajoutait du sucre ou de l’amertume. Une semaine plus tard, ils devaient à nouveau goûter successivement plusieurs liquides parmi lesquels se trouvaient ceux testés précédemment, mais dans les-

PLUS D’

NEGATIF

POSITIF

QU’AU

Un ouvrage de psychologie se penche sur le «biais de négativité », cette tendance que nous avons à accorder une importance exagérée aux événements néfastes.

WHY THE NEGATIVE OFTEN OUTWEIGHS THE POSITIVE A new book examines the psychology of "negativity bias" – our tendency to accentuate the negative.

En collaboration avec Phébé , la veille d’idées internationale par Le Point

Laurent Bègue-Shankland

N egative events seem to have such a disproportionate impact on human beings that the phenomenon actually has a name: "fundamental negativity bias". In their book The Power of Bad , science journalist John Tier- ney and Roy Baumeister, a social psychologist at the University of Queensland, elucidate this idea to unveil the facets of a seemingly universal trend that highlights negative events over positive ones. This psychological "law" shows up in many areas of our lives with confounding ubiquity, and the authors explain the phenomenon in order enumerate its pitfalls in both the personal and professional spheres. Their views, which occa- sionally refer to the famous ethical hedonism of philosopher Jeremy Bentham, point to a fundamen- tal universal asymmetry in the apprehension of negative infor- mation and events compared with those considered positive. From this perspective, a negative event of a certain intensity has a greater psychological impact than a posi- tive event of similar intensity. The authors use personal experiences to illustrate this idea: for exam- ple, how the loss of a 20 euro bill

L es événements négatifs produisent un impact si disproportionné chez les êtres humains que l’on pourrait parler d’un véri- table «biais fondamental de négati- vité». C’est l’idée que défendent John Tierney, journaliste scienti que, et Roy Baumeister, psychologue social de l’université de Queensland, dans leur livre The Power of Bad . Les deux auteurs dévoilent les facettes d’une tendance universelle apparemment implacable qui donne l’avantage aux événements négatifs. Avec une confondante ubiquité, cette loi psychologique se décline à travers de multiples phénomènes auxquels nous sommes quotidienne- ment confrontés. Le pari des auteurs est d’en élucider les ressorts pour en corriger les écueils, tant dans la sphère personnelle que profession- nelle. Dans un propos qui évoquera parfois la fameuse arithmétique des plaisirs du philosophe Jeremy Ben- tham, Tierney et Baumeister étayent l’hypothèse d’une asymétrie univer- selle fondamentale dans l’appréhen- sion des informations et événements négatifs par rapport aux positifs. Dans cette optique, un événement négatif d’une intensité donnée au- rait un impact beaucoup plus impor-

will affect our mood more than the unforeseen gain of the same sum.

Universal asymmetry This bias toward the negative is also at work in everyday language. Languages themselves seem to con- tain more words to designate neg- ative emotions than positive ones, and there are more synonyms for the word "pain" than for the word "pleasure". Positive symmetries for certain words also seem to be missing: who knows the antonyms for “disgust”, “trauma” or “murder”? Finally, the anthropology of super- natural beliefs and mythologies shows us that the human imagina- tion harbours many more malev- olent gods, vindictive beings, and evil demons than generous deities and benevolent angels. Amygdala The preeminence of the psychologi- cal impact of negativity over positiv- ity is evident in several attentional phenomena. Neuroscienti c studies measure themassive impact of neg- ative information on the activity of the amygdala, the part of the brain that detects a threat. This negativ- ity bias also applies to a variety of social situations.

Learning The same phenomenon applies to learning. In a study conducted at a university in Belgium, students tasted various avoured drinks to which either sweetness or bitter- ness was added. A week later, the same students again tasted sev- eral beverages, including the ones they'd had previously, this time without the added bitterness or sweetness. It turned out that while the bitter drinks were enjoyed signi cantly less than the sweet ones, the sweeter drinks, due to their association with the bitter ones, were equally disliked. The same idea of negative encourage- ment was implemented in a eld study aimed at promoting blood donation for a Red Cross fund- raiser. Participants encouraged to donate blood with the negative message "help someone not to die" were more inclined to do so than those invited to donate blood to "save someone's life" .

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BORIS SÉMÉNIAKO

AVRIL - MAI - JUIN 2021

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