PVA (Avril-Juin 2020).pdf

being the British and Dutch East India Companies — had more dip- lomatic and nancial clout than the sovereigns. At the start of the 19 th century, the British East India Company ruled over one- fth of humanity, surpassing George III’s ambitions after he lost his North American colonies. Monopoly Medieval European states were weak, whch led to the development of the notion of shared sovereignty, whereby individual authority was limited by the Church, nobles, and assemblies, creating a constitu- tional network that made them far more resilient than their autocratic rivals in Asia during the early mod- ern period. Shared sovereignty also gave two of the weaker states at the time, the United Provinces and Great Britain, the means to defeat the Habsburgs of Spain, who had tried to suffocate their Protestant rivals using the great wealth gener- ated by their empire in the Ameri- cas. For their part, theDutch and the British simply outsourced the devel- opment of their maritime empires to merchant groups, establishing the British East India Company (EIC) in1600 and its Dutch equiva- lent, the Vereenigde Oostindische Compagnie (VOC), two years later. Thanks to royal charters guarantee- ing these enterprises a monopoly on trade in the Indian Ocean and what is now Indonesia, the two compa- nies were freed from the restric- tions imposed by Portugal and Spain and their colossal pro tswere not overseen by parliament or any other interest group. The EIC and VOC also enjoyed quasi-sovereign powers, including the authority to enforce laws, dispense justice, raise armies, and sign treaties with for- eign powers. Themedieval legacy of shared sovereignty allowed the EIC and VOC company-states to carry out endeavours in India and Indo- nesia that their governments could not afford to do. English merchants could thus declare their allegiance to the Mughal emperor in exchange for trade privileges, and Dutch mer- chants could trample a cruci x

DES ETATS PRIVES L’INCROYABLE HISTOIRE

Au XVII e siècle, ont émergé d’Angleterre et des Provinces- Unies des compagnies

In the 17 th century, trading companies with far- reaching political powers emerged in England and the United Provinces of the Netherlands. THE INCREDIBLE HISTORY OF COMPANY STATES

commerciales aux pouvoirs politiques très étendus.

En collaboration avec Phébé , la veille d’idées internationale par Le Point

Philip Parker, historien indépendant et consultant

Boris Séméniako

L e système d’États sou- verains de l’époque moderne a émergé à travers l’évolution des États européens médié- vaux, d’un millefeuille chaotique de juridictions féodales à un mo- dèle centralisé où la bureaucratie, le droit et l’ambition monarchique fusionnèrent pour créer quelque chose de plus grand que ses parties. L’acquisition d’empires ultrama- rins fut une conséquence utile du processus. C’est en tout cas l’image simpliste qu’Andrew Phillips et J. C. Sharman s’appliquent à cor- riger dans leur ouvrage, Outsour- cing Empire: How Company-States Made the Modern World . L’histoire est souvent pleine de nuances, et celle simpli ée ci-des- sus ne prend pas en compte l’ap- parition, au XVII e siècle, de « com- pagnies-États », des organisations commerciales comme les Compa- gnies britannique ou néerlandaise des Indes orientales, qui, à leur zé- nith, possédaient un pouvoir diplo- matique et nancier plus important que leurs souverains respectifs. Au

début du XIX e siècle, la British East India Company régnait sur un cin- quième de l’humanité, écrasant les prétentions de George III, récem- ment privé des anciennes colonies d’Amérique du Nord. Monopole Les États européens médiévaux étaient faibles, mais cette faiblesse se révéla en fait être un avantage, parce qu’elle les autorisa à dévelop- per la notion de souveraineté par- tagée, par le biais de laquelle leur autorité était entamée par celles de l’Église, des nobles, et des assem- blées, créant un écheveau consti- tutionnel qui les rendit, au début de la période moderne, bien plus résilients que leurs rivaux autocra- tiques en Asie. La souveraineté par- tagée donna aussi à deux des États les plus faibles de l’époque, les Pro- vinces-Unies et la Grande-Bretagne, les moyens de battre les Habsbourg d’Espagne, qui souhaitaient étouf- fer leurs rivaux protestants avec la richesse dégagée par leur empire d’Amérique. Les Néerlandais et les Britanniques externalisèrent sim-

H istory books tell us that the modern-day system of sov- ereign states emerged from the evolution of medieval European states from chaotic and fragmented feudal jurisdictions to a centralised model, where bureaucracy, law, and monarchical ambition merged to create something greater than its parts. Overseas empires were the useful consequence of this process. This is exactly the simplistic pic- ture that Andrew Phillips and J. C. Sharman set out to debunk in their new book, Outsourcing Empire: How Company-States Made the Modern World. History is an agglomeration of nuances, and the one described above ignores the 17 th -century emergence of "company-states". At their zenith, these commercial enterprises — the most powerful

plement la construction de leurs empires maritimes à des groupes de marchands, établissant la British East India Company (EIC) en 1600 et son équivalent néerlandais, la Ve- reenigde Oostindische Compagnie (VOC), deux ans plus tard. Grâce à des chartes royales leur garan- tissant le monopole du commerce dans l’océan Indien et dans les îles à épices de ce qui est aujourd’hui l’Indonésie, les deux compagnies étaient libérées des restrictions trouvées au Portugal ou en Espagne, dont les plus grands pro ts directs leur évitaient d’avoir à traiter avec les parlements et d’autres groupes d’intérêt et qui avaient donc assu- jetti leurs compagnies commer- ciales. L’EIC et la VOC étaient aus- si très exibles nancièrement et juridiquement, acquérant des

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